Bernie, son ennemi c’est la finance. C’est dire…

AP Photo/David Becker
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À quelques jours du premier caucus de la primaire américaine, qui se déroulera dans l’Iowa, la course à l’investiture est plus que jamais intense de l’autre côté de l’Atlantique.

Dans le camp républicain, il n’y en a que pour l’outrancier Donald Trump et l’ultra-conservateur Ted Cruz. Les débats entre les candidats n’ont jusqu’ici pas vraiment marqué par la qualité des échanges, les arguments font plus penser à une cour de récréation. Au final, ce sont encore la mauvaise foi et le mauvais goût qui sont les plus partagés entre les candidats.

Chez les démocrates, Hillary Clinton est annoncée comme victorieuse de ce premier round de la présidentielle américaine. Il faut dire que l’ancienne Secrétaire d’État des États-Unis n’est pas franchement une néophyte en politique. Candidate malheureuse des précédentes primaires et ancienne First Lady, Hillary Clinton a derrière elle une carrière politique de trente ans. Une telle longévité ferait presque pâlir d’envie la classe politique française et son incroyable capacité de renouvellement… Cependant, le camp démocrate n’est pas certain de tenir sa championne.

Bernie ? Bernie ?… Bernie ?!

Un septuagénaire aux cheveux gris revient peu à peu dans la roue d’Hillary. Avec ses sourires rares et ses réunions publiques bien lointaines des traditionnels shows, il bouscule la campagne. Ce célèbre inconnu, c’est Bernie Sanders.

Personnalité politique atypique aux États-Unis, il n’a cessé de progresser dans les sondages et est aujourd’hui au coude-à-coude avec sa principale concurrente. Les estimations pré-électorales le placent même en tête pour les premiers tests électoraux de l’Iowa et du New Hampshire.

Habitué des discours interminables et arides, Bernie Sanders est finalement parvenu à rencontrer un certain succès auprès des électeurs démocrates. Ils sont plus de deux millions à avoir contribué à financer sa campagne.

Celui qui fut longtemps député indépendant du Vermont à la Chambre des Représentants, est devenu Sénateur en 2007 et a adhéré au parti démocrate en 2015. Mais, ce qui fait son « étrangeté » outre-atlantique, c’est bien ses prises de positions passées. Il faut dire que dans un pays encore marqué par le maccarthysme, il s’est souvent proclamé socialiste. Dans les années 1980, il soutenait même les sandinistes du Nicaragua.

Bernie, en route pour la présidentielle… …française ?

Avec un tel parcours et de telles prises de position, c’est bien le candidat le plus âgé (74 ans) qui tente une offre politique disruptive. Il n’en fallait pas plus pour qu’il devienne la coqueluche d’une part des européens.

Pourtant, Bernie Sanders n’a rien d’un communiste, ni même d’un socialiste européen. N’oublions pas que les mots font sens dans un contexte et justement, le contexte politique américain est bien éloigné du nôtre. Bernie Sanders c’est plus Jospin que Marchait. L’étudiant inscrit à la Young People’s Socialist League s’est embourgeoisé et s’est converti au social-libéralisme.

Certes, c’est déjà un gap gigantesque quand on sait la quasi absence d’alternative sociale-démocrate en Amérique du Nord, mais ce n’est pas le Grand Soir.

Bernie, son populisme et ses armes.

Aujourd’hui, Bernie Sanders occupe le rôle du populiste chez les démocrates. Il partage avec Donald Trump son discours anti-élites. Et quand Donald Trump fait dans la xénophobie, Bernie Sanders tombe lui dans l’anti-Wall Street. Un populisme socialiste ne devrait pas être plus enviable ou séduisant. Si Donald Trump est incapable de détailler une seule de ses mesures, Bernie Sanders s’ennui peu à estimer les coûts de ses propositions.

Il faut dire que Bernie Sanders n’a jamais été à une incohérence ou à un petit arrangement prêt tant qu’ils puissent servir sa carrière ou sa progression dans les sondages.

Une large partie des démocrates et le Président en place ont fait du contrôle des armes à feu un thème central de campagne. Bernie Sanders lui l’envisage du bout des lèvres. Il faut dire qu’il fait preuve d’une bienveillance vis-à-vis du faible encadrement de l’industrie de l’armement. En 2005, alors à la Chambre des Représentants, il votait une loi donnant une immunité aux fabricants d’armes. L’élu du rural Vermont était alors soucieux de ne pas se mettre à dos ses électeurs chasseurs.

La machine à perdre sera-t-elle lancée ?

Mais au final, le véritable problème, c’est qu’en désignant Bernie Sanders candidat, le parti démocrate ouvrirait une autoroute vers Washington à Trump.

Hillary ne séduit plus, elle n’a d’ailleurs jamais véritablement séduit. Le succès que rencontre Bernie traduit un véritable malaise chez une partie des démocrates. Il y avait une volonté de voir émerger une alternative à l’ex First Lady. La candidature de la sénatrice Elisabeth Warren était espérée mais elle ne s’est pas lancée. Bernie Sanders s’est emparé de ce créneau.

Seulement, la primaire démocrate n’est que le début de la course. Il faudra que chacun des candidats à l’élection présidentielle séduise plus largement que sa base et en cela, la candidate du consensus est, pour beaucoup de démocrates, une solution pragmatique.

Sanders plaît assez dans la bourgeoise démocrate blanche des grands centres urbains, mais il ne parvient pas à fédérer, restant peu connu des minorités noires et hispaniques qui constituent le gros des bataillons démocrates. De la même façon, il est mal identifié dans une Amérique rurale qui semble l’ignorer totalement, alors que Donald Trump y rencontre un énorme succès.

Bernie Sanders aura eu un mérite, celui d’animer la primaire démocrate, mais souhaitons que le prix à payer pour cela ne soit pas trop élevé.

Frédéric Geney

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