Billet d’humeur : Migrant / réfugié, n’a-t-on rien compris ?

Image : Cartoon Movement
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Ces jours ci, à moins de vivre reclus, il est impossible d’échapper à l’emballement ou plutôt au déferlement médiatique concernant les « migrants ».

Les medias – à de rares exceptions – possèdent l’incroyable talent de survoler les sujets, d’effleurer les problématiques et de nous jeter en pâture de l’image condescendante ; des mass medias pour les masses autrement dit.

Cette crise, ou plutôt cette incroyable focalisation sur des personnes aujourd’hui en provenance de Syrie par la Turquie, alors qu’il y a quelques mois les caméras étaient tournées sur les tristes embarcations traversant la Méditerranée, doit malgré-nous nous interroger et nous permettre de faire la distinction entre migrant et réfugié ; deux termes non-interchangeables.

Pour s’entendre, enfin, sur le mot « migrant », nous consulterons la définition que nous donne l’UNESCO à ce sujet : « le terme migrant peut être compris comme toute personne qui vit de façon temporaire ou permanente dans un pays dans lequel il n’est pas né et qui a acquis d’importants liens sociaux avec ce pays ».

Ce qui, nous le concevons, n’est pas criant de précisions.

Pourtant, une explication est toute trouvée. Pour définir le migrant, il faut l’appréhender comme appartenant à une catégorie « d’individus en mouvement » classée sous un tableau sémantique définissant la « migration ».

C’est là que nous appelons notre ami Larousse à la rescousse, qui nous le rend bien, puisqu’il apporte une clarification tout en nuances. La migration est un « déplacement volontaire d’individus ou de populations d’un pays dans un autre ou d’une région dans une autre, pour des raisons économiques, politiques ou culturelles ».

Elle présente ainsi un caractère « volontaire » et s’opère dès lors qu’il y a un désir d’améliorer une situation personnelle, évaluée sur des facteurs économiques (migrant économique), politique (fuite d’un régime autoritaire par exemple) ou culturelles (échanges).

La migration désigne donc plusieurs catégories de « migrants » rangées comme suit (le détail étant consultable dans notre lexique dédié) :

  • Migrant économique (ou travailleur migrant)
  • Migrants très qualifiés
  • Migrants irréguliers (sans papiers/illégaux)
  • Migrants forcés
  • Migrants suite au rapprochement familial
  • Migrants de retour dans son pays d’origine

Ces différentes classifications ne peuvent être suffisantes pour appréhender correctement ces situations complexes. Il conviendrait ensuite de distinguer entre le demandeur d’asile et le migrant en transition, le déplacé interne et le migrant régional, le travailleur temporaire ou à long terme, etc…

Un constat s’impose. Définir le migrant s’avère particulièrement périlleux au regard de la multiplicité de facteurs qui conduise au mouvement migratoire en lui-même.

Qu’en est-il du réfugié alors ?

Après ces quelques explications, voyons maintenant la définition consacrée du terme de « réfugié ». Le dictionnaire nous apprend qu’il désigne toute « personne ayant quitté son pays d’origine pour des raisons politiques, religieuses ou raciales, et ne bénéficiant pas, dans le pays où elle réside, du même statut que les populations autochtones, dont elle n’a pas acquis la nationalité ».

Dans la question du réfugié, il y a une condition de non retour immédiat. Une nébuleuse empreint d’incertitudes qui exprime les raisons du départ du pays d’origine. Dans le cas observé en Europe, ce sont des chaloupes entières d’êtres humains qui fuient une persécution due à leurs origines ethniques ou religieuses (ex : les chrétiens d’Orient), à l’incertitude de leur vie future (guerre civile en Syrie), ou en raison des exactions perpétuées dans le pays (centre de détention en Erythrée).

Conclusion : le réfugié est un migrant. Mais au regard de notre tableau sémantique, le migrant n’est exclusivement pas un réfugié.

Reste que le réfugié est protégé juridiquement par la Convention de Genève du 28 juillet 1951. Elle définit, pour les demandeurs, de façon restrictive et individuelle, un statut s’appliquant « à toute les personnes craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, qui se trouve hors du pays dont il a la nationalité, et qui ne peut ou ne veut en raison de cette crainte, se réclamer de la protection du pays ».

Pour cela, la Convention exige que la crainte de persécution soit fondée. Par « persécution » est entendu les atteintes majeures aux droits fondamentaux de l’Homme. A ce titre, la Cimade (association de solidarité pour les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile) nous renseigne. Il peut s’agir de « génocide, de crime contre l’humanité, d’assassinat, d’emprisonnement, de torture mais également la discrimination systémique, le harcèlement moral et physique, l’acharnement judiciaire injustifié, la surveillance continuelle, le viol, la tentative de meurtre, l’emprisonnement extra judiciaire, l’excision ».

En faut-il encore pour comprendre la crise humanitaire que nous vivons actuellement ?

Finalement qu’en retirer ?

La France universaliste, forte et triomphante qui est tant chérie par les courants de droite conservateurs, a constamment été façonnée par différentes vagues d’immigration dont nous sommes tous issus. Sans refaire son histoire, sachons nous remémorer des flux d’Europe du Sud en provenance d’Italie et d’Espagne, ainsi que celles en provenance d’Europe de l’Est provenant de pays tels que la Pologne ou encore les vagues migratoires voulues et venues du Maghreb pour une France en manque de bras. L’idée d’un gaulois comme ancêtre commun, n’est qu’un mythe. Il a pu avoir un intérêt politique dans sa nature fondatrice de la nation française (notamment sous la IIIe République), mais sur le plan scientifique, c’est une affirmation bien peu satisfaisante.

Il est alors écoeurant d’entendre certains compatriotes, élus ou mauvais-pensants être vent debout contre un geste qui vise à sauver des populations entières d’un carnage annoncé, prévisible, prévu et actuellement à l’action ?

Tandis que l’Allemagne, modèle ultime de nos dirigeants, accueille en une semaine 28000 personnes soit autant que la France s’est engagée à accueillir en un an, nous campons sur nos positions en mettant en avant des difficultés économiques comme si les réfugiés pas encore présents sur notre sol étaient les responsables de notre modèle économique et social à bout de souffle, arche bouté sur des principes corporatistes et conservateurs. Peut-être en avons-nous peur car ils nous renvoient en pleine face nos échecs collectifs.

Certes l’Allemagne dont la population vieillit a besoin de main d’œuvre mais ceci ne justifie pas tout ; elle fait preuve d’humanisme. Comment peut-on fermer nos portes à des populations qui se font littéralement massacrer ? Comment peut-on rester aveugles et insensibles face aux pires travers de l’Homme, n’a-t-on rien appris de notre Histoire ?

Sans être un candide comment ne pas concevoir que l’arrivée de réfugiés peut être une richesse protéiforme ? On pense évidemment à la diversité culturelle engendrée, à l’activité économique générée.

Enfin pensons à l’enfant, à la mère et au mari qui ont décidé un matin de quitter la terre sur laquelle ils ont grandi, la maison qu’ils ont vu construire, la famille et les amis qu’ils ont chéris, qu’aurions-nous fait a leur place ? Qu’aurions-nous souhaité trouver en arrivant ?

Mais soyons en certain, ceux qui ne sont aujourd’hui pas capable de pitié n’ont que trop peur de se faire voler leurs pains au chocolat.

Colette D. et Thomas Alves-Chaintreau

—— Éléments lexicaux ——

CATEGORIES EXPLICATIONS
Migrant économique (ou travailleur migrant)

La Convention des Nations Unies définit un travailleur migrant comme « les personnes qui vont exercer, exercent ou ont exercé une activité rémunérée dans un État dont elles ne sont pas ressortissantes ». Elle lui octroie des droits spécifiques protégeant le travailleur et les membres de sa famille. La France est, à ce titre, une terre de migration – incroyable mais vrai.

Migrants très qualifiés

 

 

Il comprend l’étudiant qui cherche à obtenir des qualifications diversifié, qu’il ne pourrait obtenir dans son pays d’origine, par absence de parcours scientifique dédié, ou encore la fameuse « fuite des cerveaux » qui représentent les individus à fort potentiel économique (scientifiques, chercheurs, entrepreneurs etc…).

Migrants irréguliers (sans papiers/illégaux)

 

 

Bouc-émissaires tout désigné des discours extrémistes. La clandestinité est l’état d’un individu menant « une existence clandestine, en marge ou en violation des lois ». Si le terme de clandestin est aujourd’hui connoté de façon péjorative, il ne signifie pas pour autant que l’individu à franchi la frontière de son pays d’origine en toute illégalité. Le migrant irrégulier est bien souvent un étranger venu séjourner légalement dans un pays d’accueil, grâce à un visa touristique par exemple, mais qui, à l’expiration de son permis de séjour, n’a pas fait les démarches nécessaires, ou n’a pas obtenu à temps, le renouvellement de son droit de séjour. Cette situation en fait d’office un migrant irrégulier.

Migrants forcés

Ce terme regroupe l’ensemble des individus ayant dû faire face à des catastrophes environnementales et climatiques, naturelles ou délibérées, politique ou économique (sécheresse, montées des eaux, exode). Il y a l’idée d’un retrait non-souhaité des terres agricoles et nourricières. Cette catégorisation peut aussi désigner les individus qui se sont vus priver de leurs terres par des forces armées.

Migrants suite au rapprochement familial

Selon le Ministère de l’intérieur, le regroupement (ou rapprochement) familial « permet à un ressortissant étranger régulièrement installé dans l’État d’accueil, d’être rejoint par les membres de sa famille (conjoint et enfants mineurs) ».

Migrants de retour dans son pays d’origine

Après une absence longue en raison de conflits ayant provoqué le départ de l’individu, ou pour des raisons sociales ou économiques ou politiques, le migrant doit envisager un retour dans le pays d’origine. Des effets bénéfiques peuvent entre être suivi avec notamment un transfert de connaissances. Mais une phase de réadaptation des ressortissants sur le retour est souvent observée.

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