La communication est un processus de transmission d’informations d’un émetteur (individu ou groupe d’individus) vers un récepteur (individu ou groupe d’individus). L’idée est de savoir qui dit quoi, à qui, par quel moyen et avec quels résultats, effets ou réactions sont suscités, sachant qu’il peut y avoir une marge d’erreurs possibles à partir d’interprétations plus ou moins biaisées. La communication gouvernementale correspond elle à une communication relative au gouvernement, aux membres qui le composent et qui représentent le pouvoir exécutif.
Cependant, le gouvernement n’a pas pour seule fonction de communiquer, mais principalement de gouverner et de faire appliquer les lois à une population sur un territoire. En effet, son but est de transmettre les informations nécessaires à la connaissance de cette législation et de faire entendre un message au peuple.
Pour cela, le politicien a recours aux professionnels de la communication (porte-parole, rédacteurs de discours, journalistes) ainsi qu’aux médias. Les médias conduisent l’information et participent donc à la communication gouvernementale. D’après Jürgen Habermas, cet échange se réalise au sein de l’espace public, un espace de médiation entre la société civile et l’État. Il s’agit donc de construire un message qui doit être reçu avec le moins d’erreurs d’interprétation possible.
En démocratie, en tant que représentants du peuple, les membres du gouvernement doivent rendre compte de leur politique auprès des citoyens afin de garantir ce régime de délégation du pouvoir. De fait, la communication gouvernementale représente un enjeu central pour répondre à l’exigence du pacte démocratique effectué entre représentants et représentés.
Aussi, nous nous interrogeons pour savoir dans quelle mesure la communication gouvernementale permet venir légitimer les différents principes démocratiques ainsi que le gouvernement au pouvoir auprès des citoyens ?
Tout d’abord, nous verrons que la communication gouvernementale intervient comme un enjeu de pouvoir au sein de l’espace public. Pour qu’elle soit bien reçue et comprise, la communication gouvernementale nécessite un processus structurant qui doit être mis en œuvre dans la production du message politique. Cependant, la réception du message politique participe également à la communication gouvernementale. Ainsi, le processus de réception va déterminer la légitimité du message politique ainsi que la manière dont se construit la communication gouvernementale.
I. La communication gouvernementale comme enjeu de pouvoir au sein de l’espace public
1. Contrôle de l’ordre public, de l’ordre social et des représentations collective
- Un contrôle de l’ordre et de l’espace public par une présence permanente et la divulgation d’informations officielle après de la population
Les médias sont des intermédiaires entre les citoyens et leurs représentants à la tête de la patrie. D’une part, la population s’y informe de l’actualité et leur confie ce rôle de transmetteur de message et d’informations. D’autre part, le gouvernement a besoin de ces intermédiaires pour s’affirmer dans l’espace public et assurer un certain contrôle, un certain ordre.
Cet espace représente donc le lieu de la rencontre possible entre ces deux groupes. Les membres du gouvernement et le Président s’imposent alors officiellement dans cet espace et affirment, par leur présence, leur fonction de représentant légitime aux yeux des citoyens. En effet, le gouvernement peut s’adresser au peuple directement pour l’informer et surtout communiquer.
La divulgation d’informations sous-entend un échange à sens unique, du gouvernement vers le peuple. La communication, quant à elle, propose davantage une interaction, une rencontre et un partage.
En 1946, Charles de Gaulle prononce à discours à Bayeux dans lequel il évoque à la fois le souvenir de la guerre, la commémoration des soldats, et valorise la Résistance et la victoire des Alliés. Dans ce discours, le Général de Gaulle s’adresse directement à la population, en tant que représentant direct du peuple. Il s’attache à instaurer une proximité entre l’homme politique ou l’exécutif et les Français. Les bains de foule et les discours charismatiques adressés aux citoyens lui garantissent une certaine légitimité. L’adresse directe au peuple est indispensable en démocratie. Pour le peuple, le gouvernement et le Président sont les détenteurs de l’information véridique. De ce fait, l’intervention et la communication gouvernementale permettent d’officialiser et de valider l’information reçue par l’intermédiaire des médias. Il s’agit donc de communiquer avec le peuple au sens d’officialiser l’information véridique et d’en apporter une vision gouvernementale.
Ainsi, grâce à cette présence dans l’espace public et la communication, le gouvernement assure une certaine cohésion sociale et garantit le maintien de l’ordre.
- Intervention publique du gouvernement lors d’une crise pour rétablir l’ordre et résorber cette crise
L’intervention de membres du gouvernement est régulière afin de conserver un lien direct avec les citoyens. Cependant, la communication gouvernementale s’avère indispensable en temps de crise et affirme le rôle du gouvernement comme garant de l’ordre public.
L’apparition de membres du gouvernement dans l’espace public est bien souvent le résultat de la nécessité de communiquer au peuple par la divulgation d’informations sur des situations de crise ou des événements d’importance nationale.
Le 23 février 1981, l’Espagne est frappée par un coup d’État militaire fragilisant la monarchie. Quelques heures après seulement, le roi espagnol Juan Carlos prononçait : « J’ai ordonné aux autorités civiles et aux chefs d’État-major qu’ils prennent toutes les mesures nécessaires pour maintenir l’ordre constitutionnel ». Dans ce discours, le roi, garant de l’ordre et de la constitution, rassure la population en montrant un contrôle de la crise, une sérénité. Il appelle à l’union des Espagnols pour éviter un désordre politique et social. Ainsi, la communication gouvernementale prend toute son importance dans l’officialisation de l’information véridique et est une vitrine présentée au peuple pour communiquer et rassurer une population en situation d’instabilité ou de crise. Les principes démocratiques impliquent le droit du peuple à savoir. Et pour ce faire, les représentants à la tête de la direction de l’État et de la nation semblent les plus légitimes pour répondre à cette attente.
2. Communication comme moyen de légitimation du gouvernement, de l’autorité, du pouvoir
- La dimension symbolique de la communication gouvernementale impose des normes, valeurs et représentation légitimant le pouvoir exécutif et ses représentants
La communication gouvernementale implique un travail de mise en scène mettant en lumière les symboles de la nation, afin de légitimer les représentants et leur discours.
L’intervention de membres de gouvernement ou du Président de la République dans l’espace public requiert une préparation du discours. En effet, le représentant en le prononçant devient porteur des valeurs, normes et principes républicains et démocratiques, et adopte un vocabulaire particulier. La référence à ces caractéristiques de la nation légitime l’autorité du gouvernement.
Dans ses discours concernant la Covid-19 et la crise sanitaire, Emmanuel Macron rappelle les valeurs françaises qui unissent le pays : « solidarité », « bienveillance », « altruisme », « fraternité ». Le gouvernement doit incarner ces valeurs et principes dans chacun de ses discours officiels adressés à la population. À cela s’ajoute la mise en scène de symboles, de rites, de lieux, dans la représentation gouvernementale pour appuyer cette politique de la présence.
Lors des interventions télévisées d’Emmanuel Macron à l’Élysée, il est possible d’observer à l’arrière-plan le tableau Liberté, Égalité, Fraternité du street-artiste, Shepard Fairey. Une Marianne modernisée, les couleurs du drapeau et la devise française y sont représentées. Aussi, la liberté d’expression est illustrée par les pinceaux. Encore, certaines pratiques sont valorisées et s’inscrivent dans les discours, tels que la sacralisation du vote incitant les individus à répondre de leur devoir citoyen et/ou de profiter de ce droit. De ce fait, l’imposition de valeurs et de symboles démocratiques et républicains lors de l’apparition de représentants du gouvernement légitime leur pouvoir et leur autorité.
- La communication gouvernementale pour légitimer les actions du gouvernement
L’un des enjeux principaux des membres de l’exécutif est de légitimer leur place au pouvoir et leurs politiques tout au long du mandat. Chacun doit alors participer à valoriser ce gouvernement pour le justifier devant les citoyens. Ainsi, le gouvernement doit être capable de déployer des politiques efficaces et doit assurer une capacité d’action nécessaire en cas de situation critique. La reconnaissance et la bonne considération d’un gouvernement digne de ce nom reposent sur ces moyens d’action et sur une organisation efficace en faveur de l’intérêt général.
Suite aux attentats du 13 novembre 2015 en France, le gouvernement a dû faire preuve d’organisation et de contrôle pour démontrer sa capacité d’action et se rendre légitime à protéger sa population. Nombreux sont les membres du gouvernement intervenus dans l’espace public pour communiquer avec les citoyens : « C’est l’ensemble des forces de sécurité du pays qui sont en alerte maximale. Tous les policiers, les gendarmes, des sapeurs-pompiers, les militaires sont engagés pour neutraliser les terroristes et assurer la protection des Français. », a déclaré le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve. Cette réaction rapide et de grande ampleur confirme la capacité d’intervention et d’action du gouvernement. L’enjeu est donc de trouver une solution pour chaque situation critique. L’efficacité et la légitimité du gouvernement devant la population invitent à la reconnaissance de la bonne gestion gouvernementale et étatique, et assurent le maintien de l’ordre.
3. La communication gouvernementale permet de légitimer la démocratie
- Des représentants au contact des citoyens : informer pour mieux gouverner dans une démocratie représentative
En démocratie, la question de la représentation est au cœur des débats et est un principe fragile exigé des citoyens. La démocratie représentative consiste en la délégation des pouvoirs politique et de direction de la nation aux élus. Cette procuration des pouvoirs instaure alors une relation de confiance entre les représentants et le peuple. De ce fait, les élus et les nommés à la tête de l’Etat se doivent de répondre au devoir de représentation (directe ou indirecte) et de respecter les programmes et promesses présentés lors des campagnes électorales.
Cette organisation démocratique impose une interaction régulière entre les deux partenaires : le gouvernement doit rendre compte de ses actions et doit informer le peuple de tout changement. Ainsi, la communication gouvernementale est un moyen de légitimer la démocratie représentative.
En avril 2018, l’armée française est intervenue en Syrie sur la décision du Président E. Macron, sans l’accord officiel de l’ONU. Le chef d’État français a dû rendre des comptes aux Français afin en intervenant dans l’espace public pour justifier cette action : « L’intervention [en Syrie] s’inscrit donc dans un cadre légitime. » Il ne s’agit en aucun cas « d’une attaque envers le régime syrien (…), mais d’une frappe consécutive aux preuves obtenues sur le terrain que des armes chimiques avaient été utilisées contre la population civile ». Ainsi, les médias ont un rôle d’intermédiaires qui relatent les décisions prises par le gouvernement. L’intervention de représentants dans l’espace public est requise en cas de situations critiques, de décisions inattendues, ou de choix en désaccord avec le peuple. La communication gouvernementale participe alors activement à la légitimation de la démocratie, et ce du fait d’un régime représentatif.
- La mobilisation des citoyens dans la sphère politique : le modèle de démocratie participative
La démocratie représentative est un pilier du système politique français. Afin de mobiliser les citoyens et de les inciter à prendre part aux décisions politiques du pays, le gouvernement les invite à communiquer au sein de l’espace public. Ces tentatives peu fréquentes, mais bien présentes se présentent sous la forme d’avis populaires ou de débats autour de décisions gouvernementales.
Le gouvernement donne aux citoyens la parole et l’opportunité de participer activement aux prises de décisions politiques, économiques, sociales et culturelles concernant le pays. Différents moyens de communication sont alors mis en place tels que des discussions, des débats, des plates formes de consultation populaire, des référendums… En 2019, l’État français doit réagir aux revendications des Gilets jaunes. Pour entendre explicitement l’ensemble de leurs revendications, le gouvernement met en place le Grand Débat National à différentes échelles locales, régionales…, ainsi que des porte-parole pour lui présenter les revendications. D’une part, cette démarche démocratique octroie au peuple le droit de s’exprimer, d’être entendu et de participer. D’autre part, le gouvernement utilise son droit de consultation populaire pour orienter sa politique et tenir compte de l’avis des citoyens à l’image du principe démocratique. Ainsi, cet échange direct révèle l’importance de la communication gouvernementale et populaire favorable à une démocratie participative.
Alors que la communication gouvernementale est un enjeu de pouvoir politique, social et démocratique, nous allons revenir sur la nécessité de structurer le discours politique et la communication gouvernementale, puis analyser quelles sont les techniques de construction du discours pour répondre aux enjeux que nous venons de présenter.
II. Nécessité de structuration de cette communication gouvernementale : Production, transmissions et techniques du discours politique
1. Le message politique en tant que tel : une information claire et précise pour convaincre un public
Tout d’abord, le message politique est un message à la population pour informer, car comme nous l’avons dit précédemment, il y a un devoir de rendre compte des actions, des réformes, des intentions du gouvernement auprès des citoyens. C’est une manière d’appliquer le principe de la représentation en démocratie.
Mais il y a également la nécessité de transmettre un message clair et précis. Le peuple doit pouvoir recevoir et comprendre le message. C’est pour cela que la clarté du message est aussi primordiale, notamment à travers l’utilisation d’un vocabulaire courant et accessible au plus grand nombre (ou la technique inverse peut être utilisée).
À ce principe s’accompagne la précision du message : l’information doit être à la fois technique et assez explicite. Comme le dit Nicolas Boileau dans L’art Poétique : « Fuyez de ces auteurs l’abondance stérile et ne vous chargez point d’un détail inutile ». Il est nécessaire de concevoir les discours de cette manière en théorie. Mais en réalité, les points évoqués précédemment sont un modèle idéalisé de la communication gouvernementale. Le message devrait se construire comme tel afin de permettre l’interaction et l’information parfaite entre le représentant et les citoyens. Mais comment construire un message porteur d’informations techniques, ou d’actions controversées auprès d’une population qu’il faut unir afin de maintenir l’ordre ?
2. Les différents moyens de transmission : adaptation du message selon le moyen
Le premier moyen – et le plus connu – est l’utilisation de discours à la fois de façon officielle comme à la télévision, ou de façon non officielle comme au salon de l’agriculture. Dans ce type de discours non officiel, ce n’est pas seulement dans le but d’émettre une information, mais également d’assurer le rôle de représentativité : il faut séduire les foules. Il existe d’autres moyens comme : les affiches, la radio…
Mais tous ces moyens restent traditionnels. De nos jours, les représentants utilisent de plus en plus les nouveaux médias : comme la télévision avec les discours, les interviews et les spots de pub. Mais également les réseaux sociaux comme Donald Trump peut l’illustrer avec Twitter.
3. Les techniques de persuasion et d’efficacité du message : plaire et persuader la foule à travers l’exemple du discours
Il existe des techniques du discours qui peuvent être faites de manière consciente ou bien inconsciente. Parmi les techniques conscientes se trouve la construction de texte avec les figures rhétoriques comme la métaphore, l’énumération, l’hyperbole, afin d’émouvoir les citoyens.
La construction est tellement importante qu’elle nécessite un professionnel particulier, la plume, afin de trouver les mots justes. Les hommes politiques peuvent aussi mettre en scène leur discours comme lors des fameuses exaltations de la foule, à l’image de Charles de Gaulle.
D’autres techniques sont faites de manière inconsciente notamment avec l’utilisation du langage corporel. Celles-ci peuvent s’illustrer dans les tics des hommes politiques pouvant être liés au stress par exemple. D’après le modèle de la seringue hypodermique d’Harold Dwight Lasswell, les médias injectent dans le cerveau des gens des croyances et des idées qui influencent leur comportement.
Cependant, nous allons voir que la communication gouvernementale n’est pas qu’un simple échange linéaire de messages. Si on se réfère à Stuart Hall, le processus de communication implique le codage (ce que l’on vient de voir), et le décodage (les réactions aux messages). Nous allons donc nous intéresser à la manière dont le message politique est reçu par les citoyens, c’est-à-dire le décodage.
III. Processus de réception qui détermine la légitimée du message politique
1. S’il y a compréhension du message politique, la réception de celui-ci peut se manifester par différentes réactions de la part de la population
Le comportement d’individus réunis n’est pas le même que lorsque les individus raisonnent de manière isolée. C’est de cette manière que Gustave Lebon, dans La psychologie des foules (1895), explique les comportements irraisonnés des foules. Dans l’espace public, le comportement des individus peut être homogène, car influencé par l’effet de groupe, comme être hétérogène. Cette hétérogénéité dans la réception d’un message peut prendre différentes formes.
C’est l’idée d’Albert Hirschman dans Exit, Voice and Loyalty (1970). Face à la défaillance de la communication d’une institution ou d’une instance politique, l’auteur souligne trois types de comportements possibles. Le recours à la prise de parole (voice) permet d’interpeller et d’enclencher le débat à partir d’une participation citoyenne plus directe au sein de l’espace public, mais également via les réseaux sociaux.
À la différence des médias traditionnels, où le récepteur ne peut que rarement intervenir dans le contenu, la démocratisation des NTIC (nouvelles technologies d’information et de communication) ont pu favoriser ce type d’interaction. Dans ce cas, la communication gouvernementale semble fluide. Le recours à la défection (exit) implique un refus ou un rejet du message communiqué du fait d’une incompréhension possible celui-ci (il ne faut pas laisser de côté l’idée d’un message compris, mais rejeté par une inadéquation idéologique). Dans ce cas, la communication est potentiellement troublée. Au contraire, le recours à l’acceptation (loyalty) peut impliquer une compréhension du message et une communication gouvernementale plus fluide.
2. Cependant, il peut y avoir des incompréhensions du message politiques, remettant en question le gouvernement en place et plus généralement son caractère démocratique
D’après Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron dans Les héritiers (1964), il existe 3 types de capitaux : économique, social et culturel. Lorsque les individus intègrent l’espace public, ils ne détiennent pas tous le même capital. Les catégories sociales les plus favorisées détiennent un capital qu’une autre partie de la population n’a pas.
De cette manière, les catégories les moins favorisées peuvent être socialement exclues, s’autoexclure, être marginalisé et subir des inégalités cumulatives. Ainsi, certains n’ont dès le départ pas le même capital culturel que d’autres, n’ont pas acquis les mêmes codes et n’ont pas les mêmes clefs pour saisir le monde qui les entoure. Ainsi la communication gouvernementale implique des codes correspondant à un certain capital culturel et scolaire nécessaire à la compréhension du message politique et de ses enjeux. Ceux qui n’ont pas les codes ne comprennent pas.
Dans leur ouvrage intitulé La démocratie de l’abstention. Aux origines de la démobilisation électorale en milieux populaires (2007), Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen réalisent une enquête de terrain à partir d’une population issue de quartiers populaires à Saint-Denis dans la cité des Cosmonautes. Ils mettent en évidence l’existence d’individus pour qui le message politique, les discours correspondent à un “message ésotérique”, c’est-à-dire un message obscur, incompréhensible pour qui la compréhension appartient à un petit groupe des initiés.
Cela peut aboutir à une délégitimation du message politique, une démobilisation de la population, une remise en question de la démocratie. Si le message politique est incompréhensible, cela peut mettre sous silence une part de la population et remettre en question la démocratie représentative. C’est l’idée de Pierre Rosanvallon dans Le Parlement des invisibles (2014) lorsqu’il prétend que « La démocratie est minée par le caractère inaudible de toutes les voix de faible ampleur, par la négligence des existences ordinaires ».
3. S’il y a incompréhension de la part d’une partie de la pop, la présence d’un leader d’opinion peut prendre le relais et faire l’intermédiaire
Le leader d’opinion réinterprète l’information à sa manière et influence la réception du message. La compréhension du message politique se fait alors par quelqu’un de plus politisé, par quelqu’un de politiquement plus actif, quelqu’un de plus expert en la matière. Cette personne influence l’opinion de ceux qui sont moins politisés. Les moins politisés lui font confiance et partagent son opinion. Cela peut donc totalement modifier la réception du discours politique et donc la communication politique.
Ce rôle de leader d’opinion peut être réalisé par le chef de famille, quelqu’un de plus cultivé, une personne que l’on estime comme des intellectuels, des influenceurs, de « bons citoyens » du village, des chroniqueurs, ou encore des célébrités. Par exemple Jay-Z s’est présenté comme le meilleur ami de Donald Trump et certains de ses fans peu politisés ont pu être influencés par cette proximité et ainsi être en faveur de D. Trump. Plus récemment, le soutien de Cardi B à Joe Biden a permis de capter l’attention de jeunes américains et de possiblement orienter le vote (bien que son élection ait pu être influencée par d’autres déterminants).
Pour conclure, nous avons vu que la communication gouvernementale est un véritable enjeu de pouvoir au sein de l’espace public parce qu’elle permet le contrôle de l’ordre public, de l’ordre social et des représentations collectives. C’est également un moyen de légitimation du gouvernement, de l’autorité, du pouvoir et surtout de la démocratie.
Par conséquent, il est nécessaire pour l’homme politique de structurer cette communication gouvernementale en émettant une information claire et précise afin de convaincre le public. L’homme politique a à sa disposition différents moyens de transmission qui s’adaptent à son objectif, auxquels il peut ajouter différentes techniques de persuasion afin de plaire et persuader la foule. Enfin, c’est surtout la manière dont le processus de réception est mis en œuvre par les citoyens qui légitimisent ou non le message politique. S’il y a compréhension du message, la réception de celui-ci peut se manifester par différentes réactions de la part de la population. S’il y a incompréhension, le message politique n’est pas en accord avec le principe de démocratie et d’égalité des chances. Cependant, la présence d’un leader d’opinion permet de réinterpréter et transmettre l’information, mais celui-ci influence la réception du message.
Il est intéressant de mettre en perspective la communication gouvernementale du Président Emmanuel Macron, particulièrement en pleine période de crise sanitaire. Celle-ci est-elle en continuité ou en rupture avec les modèles suivis, ou bien peut-on considérer qu’elle marque un renouveau dans l’approche communicative du gouvernement avec les citoyens ?