Impossible de savoir dans quelle grotte vous vous cachiez ces derniers jours, mais c’est sans vous attendre que l’ONU a organisé la nomination de son 9ème Secrétaire général cette semaine.
Le verdict est tombé mercredi 5 octobre après six tours qui ont vu s’affronter pas moins de treize candidats issus des quatre coins du globe. Après un dernier vote de confirmation le 6 octobre, les membres des Nations-Unies se sont finalement accordés sur la candidature du Portugais António Guterres.
Une femme, de l’Est
C’était écrit. Le prochain secrétaire des Nations-Unies devait être une femme, qui plus est, originaire d’Europe de l’Est. Sept candidates s’étaient même présentées pour succéder au titulaire d’un Doctor Honoris Causa de l’Université Paris I La Sorbonne, Monsieur Ban Ki-Moon. Mais il n’en sera rien. Arrivé en tête sur l’ensemble des scrutins, l’ancien Premier ministre Portugais a été largement plébiscité par ses pairs. Avec 13 voix « pour » et 2 abstentions, il succédera à l’actuel secrétaire général sud-coréen le 1er janvier 2017.
« Habemus Papam »
Prévue à l’article 97 de la Charte des Nations-Unies, la nomination du Secrétaire général de l’ONU se déroule en deux étapes. D’abord une recommandation unique émanant du Conseil de sécurité (comme prévue par la résolution 11 de l’Assemblée générale du 24 janvier 1946) adoptée lors d’une réunion privée portant sur la viabilité du dit candidat (article 48 du Règlement intérieur provisoire du Conseil de sécurité – pour rappel, ce dernier est composé des cinq États que sont la France, les États-Unis, la Russie, la Chine et le Royaume-Uni), puis une décision collégiale actée par l’Assemblée des Nations-Unies.
Une fois choisi, le nouveau Secrétaire général est nommé pour un mandat de cinq ans à compter de la date de fin de mandature de son prédécesseur. Il faut également noter que le règlement de l’ONU ne prévoit aucune limite de mandat, l’usage montre pourtant que tout pensionnaire du Secrétariat général n’exerce pas au delà de deux mandats (soit une durée maximum de 10 ans).
Mais qui est donc António Guterres ?
Ancien membre actif du Parti socialiste portugais, António Manuel de Oliveira Guterres passe, à l’époque, pour un jeune loup de la garde socialiste : chef de cabinet de José Torres Campos, alors Secrétaire d’État chargé de l’Industrie et de l’Énergie (1974), il est élu député du district de Castelo Branco à l’Assemblée de la République à l’âge de 27 ans puis nommé successivement Président de la Commission parlementaire de l’Économie et des Finances en 1977, Président de la commission de l’Administration du territoire, des Collectivités locales et de l’Environnement (1986) et Président du groupe parlementaire socialiste en 1988, avant de prendre les rênes du PS en 1992 .
António Guterres modernise son parti, convoque des États généraux pour une favoriser l’émergence d’une nouvelle majorité politique portugaise et propose un contrat de législature pour offrir une alternative aux dix années de pouvoir exercé par le Premier ministre libéral Aníbal Cavaco Silva (devenu Président du Portugal depuis). En 1996, il porte le PS à la victoire aux législatives et devient le nouveau Premier ministre du Portugal. Il s’affère à donner corps à la Communauté des pays de langue portugaise comprenant le Brésil, l’Angola, le Cap Vert, le Mozambique, la Guinée-Bissau et Sao Tomé-et-Principe, organise un référendum pour une législation sur l’IVG contre ses convictions personnelles, instaure un revenu minimum, et redresse la situation économique du pays.
Bénéficiant d’une popularité sans faille au niveau national, il contribue également à renforcer l’image du Portugal à l’international grâce à l’organisation de l’Exposition universelle de Lisbonne en 1998 et à son accession à la présidence de l’Union européenne en 2000.
Pourtant le vent tourne dès 2001. De nombreux scandales financiers impliquant ses ministres éclatent. Nombre d’entre eux sont débarqués, et António Guterres doit remanier son gouvernement. Rien n’y fait, le Portugal se cristallise. La sanction est terrible. Lors des élections locales de décembre 2001, concédant aux sociale-démocrates les villes de Lisbonne et de Porto, António Guterres démissionne sans terminer son second mandat et se retire de la vie politique.
L’appel de l’ONU : du HCNUR au Secrétariat général
Transcendé par ses valeurs religieuses, António Guterres est aussi connu pour son engagement auprès des réfugiés politiques et économiques. C’est pour cette raison qu’en 2005, le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan le propose pour diriger la commission des Nations unies pour les Réfugiés (HCNUR). Une mission où il sera reconduit cinq ans plus tard par l’actuel secrétaire général de l’ONU.
C’est sur ses résultats observés qu’il fondera sa candidature pour succéder à Ban Ki-Moon. C’est sur sa capacité à pouvoir changer la situation internationale qu’il suscite de nombreux espoirs. Nul n’est censé ignorer la situation en Syrie, au Yémen, en Afghanistan et en Irak, à moins d’avoir passé plus de temps que prévu dans la grotte mentionnée plus haut. António Guterres en a fait son cheval de bataille, déjà persuadé de la nécessité de sortir d’un système onusien trop bureaucratique et trop lent dans ses décisions pour pouvoir se projeter sur le terrain. Guterres veut agir vite et avec conviction.
Celui que l’on décrit comme « une personnalité très forte qui a des positions bien arrêtées » débutera son premier mandat avec une tâche qui paraît déjà insurmontable.
Pour autant force est de constater qu’en 2016, rien ne semble impossible pour les portugais…