Si la mondialisation a été source de nombreux progrès depuis le XXe siècle, l’augmentation et la rapidité des échanges rendent plus difficile leur contrôle, présentant alors des dérives plus ou moins inquiétantes. La contrefaçon de produits médicaux est l’une de ses menaces faisant peser un risque majeur sur nos sociétés et systèmes de santé publique.
Qu’est ce qu’un faux médicament ?
Un faux médicament est un produit médical délibérément et frauduleusement contrefait par une fausse représentation de son identité et/ou de sa source, et pouvant ne pas contenir de principe actif, un principe actif en quantité insuffisante ou bien des produits toxiques, voire mortels. Ainsi, il convient de ne pas confondre les faux médicaments avec les malfaçons – issues d’une production licite mais victimes de défauts de fabrication, et ne relevant pas d’une intention de tromper le consommateur – et les médicaments sous-standards – produits qui ne remplissent pas des critères de qualité requis.
Alors que les pandémies transmissibles et non transmissibles affectent déjà gravement ces populations, il est primordial d’être conscient de la réalité de trafic mortifère pour plusieurs raisons.
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, 15% des médicaments en circulation dans le monde seraient des contrefaçons. Dans certaines régions, ou pour certains produits tels les antipaludéens, ce taux peut aisément dépasser les 30%. Les cas de prises mortelles de produits médicaux contrefaits sont légions et on ne pourrait en faire une liste exhaustive. Nous retiendrons tout de même pour exemple ce drame de 2009 au Nigeria, lorsque 82 personnes ont perdu la vie à cause d’un sirop contre la toux qui contenait de l’antigel. De plus, afin de se rendre compte de l’ampleur du phénomène, il est à noter que selon Kaliyaperumal Karunamoorthi, un Professeur d’université éthiopien, la prise de faux antipaludéens tuerait environ 450 000 personnes par an.
Les facteurs expliquant le développement de ce trafic sont divers : gouvernance fragile des États dans le domaine de la santé, budgets insuffisants pour former les personnels de santé et surtout, pénurie de médicaments et prix trop élevés qui dirigent les populations à recourir à des produits plus accessibles et moins chers, mais à l’origine plus que douteuse. L’éradication de ce fléau exige des efforts pharamineux et coûteux qui ne sont souvent pas à la portée des États les plus touchés.
En outre, les producteurs et trafiquants de médicaments falsifiés commettent un double crime : celui de tromper les patients dans leur espoir de pouvoir se soigner grâce à une prise médicamenteuse de qualité et celui de mettre en danger la vie de ceux pensant se soigner en recourant à un médicament au mieux sans effet, au pire toxique, voire mortel. Contrairement à la contrefaçon – terme faisant plutôt référence au droit de la propriété intellectuelle – de certains biens, celle de produits médicaux falsifiés touche directement la santé des populations en les exposant à de graves conséquences.
D’un point de vue pénal, il faut malheureusement constater le grave manque, voire la quasi-inexistence, de mesures coercitives dans certains États. Cette absence de législation laissant une marge de manœuvre aux trafiquants et producteurs de faux médicaments est également l’un des facteurs qui explique le développement fulgurant de ce trafic. Ces groupes criminels sont d’autant plus attirés lorsqu’ils prennent conscience de sa déconcertante rentabilité.
Imaginez seulement : selon l’IRACM, investir 1 000 dollars dans le trafic de drogue rapporterait jusqu’à 20 000 dollars, alors que la même somme investie pour des faux médicaments peut rapporter entre 200 000 et 450 000 dollars. 20 à 45 fois plus rentable et avec de moindres risques !
Une menace insidieuse qui ne fait pas de discrimination
En lisant ces lignes, d’aucuns penseront que ce fléau ne touche que les pays les plus pauvres. Certes, il faut déplorer que les faux médicaments touchent avant tout les régions les plus défavorisées car ce sont celles constituées par des populations démunies et aux structures étatiques défaillantes. Ainsi, 60% des faux médicaments en circulation dans le monde seraient vendus en Afrique. Néanmoins, plusieurs exemples prouvent que ces produits contrefaits peuvent se retrouver dans nos pays, à l’instar de la saisie douanière record de 2,4 millions de faux médicaments dans le port du Havre le 27 février 2014 ou la récente condamnation d’un trafiquant du Puy-de-Dôme qui vendait de fausses pilules contre les troubles érectiles partout en France via Internet.
Enfin, il convient de ne pas sous-estimer les contrefaisants qui sont très bien organisés et parviennent à tromper la vigilance des patients et l’intégrité des chaînes d’approvisionnement. A l’heure du développement des pharmacies en ligne qui permettent la vente de médicaments sur Internet, le danger est accru. Malheureusement, les faux médicaments ne sont pas facilement identifiables et le consommateur se doit d’être scrupuleux quant à la nature du revendeur et toute anomalie que peut présenter le médicament ou son emballage. Afin d’éviter tout risque, rien ne vaut mieux que de se rendre dans une vraie pharmacie.
Et les gens vont dire que dans un lointain avenir on saura discerner le faux et le vrai.
Que le faux disparaîtra alors qu’il est au pouvoir.
Que le vrai adviendra alors qu’il est au mouroir.
Odon Von Horvath – 1938