Somaliland : enjeux et pivots économiques de l’hinterland

Berbera port authority - Source : Somaliland Press.com
Berbera port authority – Source : Somaliland Press.com

Le Somaliland est une région située au Nord de la Somalie, frontalière de l’Ethiopie et de Djibouti. Rentrée en conflit avec le gouvernement central dans les années 1980, dont elle a été une cible prioritaire du général Siad Barre jusqu’à la chute du régime autoritaire et l’effondrement de l’État Somalien à la fin des années 1980. Autoproclamée autonome et indépendante en mai 1993 après la conférence de 1991 des clans du Nord à Berbera, la région sécessionniste n’a cessée de s’employer à instaurer une effectivité de son territoire qui lui permette de réunir tous les éléments constitutifs d’un État en vue d’une reconnaissance internationale. Une effectivité qui lui confère un statut d’État de facto et qui contraste avec le reste de la Somalie, pays failli en proie au chaos, aux luttes de clans, la piraterie et le terrorisme international mais qui profite entre autre des investissements importants de la Turquie. Dans ce contexte, le corridor de Berbera-Jijiga peut-il représenter une alternative aux enjeux économiques qui se dessinent dans la Corne de l’Afrique? Avec quelle légitimité pour cette région autonome ?

Le Somaliland dispose d’infrastructures aéroportuaires (Berbera et Hargeisa) et portuaire (Berbera) tant essentielles que stratégiques pour la région. Nous allons examiner ce qui les rendent stratégique, et comment développer de grandes infrastructures de transport en Afrique subsaharienne représentera un défi pour le continent, comme pour les investisseurs internationaux. Les ports des pays de l’Afrique de l’Est constituent un espoir important pour le désenclavement de l’arrière pays (l’hinterland). Cependant ces ports sont fortement liés aux contextes politiques, géopolitiques et économiques des régions et des pays dans lesquels ils sont implantés. Leurs devenirs sont étroitement liés aux stratégies des investisseurs internationaux, qu’ils viennent d’Occident, d’Asie ou du Moyen Orient. Quels devenirs et avec quels corridors ? Les corridors de Djibouti et de Berbera-Jijiga (autrefois appelé corridor du Somaliland) dépendent des mêmes espaces d’influences, à savoir le monde de la Somalie auxquelles ils appartiennent, mais aussi et surtout de l’Ethiopie dont ils sont devenus les ports stratégiques depuis que l’Erythrée est indépendante et prive l’Ethiopie des ports d’Assab et de Massaoua sur la Mer Rouge.

Le contexte géostratégique : l’importance de la logistique en Afrique

L’Afrique est un continent qui compte environ 1 milliard d’habitants à ce jour, avec une projection de 2 milliards en 2050. Les ressources naturelles que compte le continent sont considérables (or, pétrole, uranium, terres rares, minerais, pierres précieuses, etc.), et le plus souvent monopolisées par des groupes occidentaux voire asiatiques (principalement la Chine). Avec une croissance moyenne de 5,2% par an ces dix dernières années, le continent souffre d’un handicap majeur par son manque d’infrastructures (routières, aéroportuaires et portuaires). Cependant, 90% des marchandises exportées ou importées sur le continent transitent par les ports. Un atout stratégique que les investisseurs veulent acquérir en concession et développer, car « celui qui tient les ports, tient le continent » s’exclamait un consultant de la Banque Mondiale au journal Jeune Afrique.

Le rapport économique 2011 sur l’Afrique[1] prévoit une croissance soutenue des économies africaines. Bien que de nombreux pays africains bénéficient déjà de la croissance, l’emploi reste une préoccupation majeure. Les facteurs soutenant la croissance de l’Afrique sont : de bonnes politiques économiques, le renforcement du tourisme, plus d’activités dans le secteur des services, une augmentation des prix des matières premières et une demande accrue pour les exportations des économies émergentes en Afrique. De nombreux pays africains récoltent d’ores et déjà les fruits de la croissance. Selon la FAO (Food and Agriculture Organization des Nations Unies), Le Sierra Leone a produit 200 000 tonnes de riz en 2004, alors que son besoin domestique était de 550 000 tonnes. En 2009, le pays en a produit 784 000 tonnes, suffisamment pour couvrir ses besoins et assurer des exportations. L’essor de l’industrie de l’information et de la technologie constitue un facteur de la relance des économies de nombreux pays, associé à une augmentation de l’investissement étranger, en particulier dans les industries extractives en Afrique. Cependant, le continent est encore loin d’atteindre les objectifs du millénaire pour le développement du fait de disparités importantes entre les régions et pays d’Afrique, principalement entre l’Afrique de l’Ouest (du fait de ses lucratifs secteurs d’extractions) et l’Afrique orientale en proie à une instabilité importante. Le développement de corridors de transport de marchandises à travers les ports, la gestion des ressources communes en eau, l’amélioration de l’accès aux différents réseaux d’information et de télécommunication (TIC) ainsi qu’une plus grande sécurité énergétique constituent les principaux vecteurs d’intégration de l’économie africaine.

L’Afrique bénéficie de l’investissement, du commerce et de l’aide, mais aussi des avantages macroéconomiques, politiques et stratégiques produits par les pays émergents. Ces derniers représentent désormais environ 40% du commerce de marchandises de l’Afrique, contre un peu plus de 20% dans la dernière décennie. Bien que les pays développés représentaient encore 85% des investissements directs étrangers dans le monde en 2011, les investissements transfrontaliers en Afrique par des entreprises basées sur les économies émergentes, ou soi-disant investissements Sud-Sud, sont également en croissance.

Le rapport économique précise que les perspectives économiques en Afrique renvoient le même message. Sans des politiques de développement nationales stables, il met en garde contre l’optimisme actuel qui pourrait tourner court : « ouvrir un nouvel espace pour le développement du secteur privé est primordial. Si l’Afrique ne parvient pas à former de solides stratégies et négocier de façon proactive, il y a un risque que les nouveaux acteurs mondiaux poussent l’Afrique à se spécialiser dans Les exportations des matières premières. » Cela signifierait un nouvel appauvrissement des richesses naturelles du continent sans améliorations significatives des conditions de vie des populations africaines.

C’est pourquoi, un des plus grands défis auxquels l’Afrique fait face, est son manque d’infrastructures efficaces, comprenant les ports, les réseaux ferroviaires et les routes. «Notre plus grand besoin, et c’est une des choses qui freinent le commerce intra-africain, est l’investissement dans les infrastructures[2] ». Mais l’établissement de partenariats équitables et stables avec des investisseurs étrangers qui peuvent les financer et d’autres grands projets est également un enjeu crucial. « Nous sommes à la recherche de partenariats, et nous voulons que les gens viennent et travaillent avec l’Afrique. Nous ne voulons pas qu’il s’agisse d’arrangement unilatéral sans quoi, les souvenirs du colonialisme en Afrique (sont trop frais) ressurgiront. Nous voulons passer à une situation où nous avons des partenariats avec différentes personnes dans différents endroits pour élever L’Afrique ». L’incapacité de l’Afrique a résoudre ses problèmes actuels de transport se déplace sur le continent vers une crise du transport, selon le Dr George Banjo, spécialiste senior de la Banque Mondiale du transport en Europe et en Asie Centrale: « Le secteur des transports en Afrique n’est pas en mesure de répondre aux demandes existantes, tandis que de nouvelles demandes avec des caractéristiques différentes émergent. Avec la montée de la mondialisation, les attentes ont été exprimées et l’intérêt a permis aux personnes de comprendre comment les choses fonctionnent, et ce qui est disponible partout dans le monde. Par conséquent, les utilisateurs du système de transport africain sont de moins en moins disposés à accepter le statu quo ». Le secteur privé a joué et jouera un rôle important pour répondre aux besoins de transports en Afrique.

L’Afrique a importé plus de 14% du total du commerce agricole mondial au global. Les produits de commodités ont représenté près de 80% de toutes les exportations de l’Afrique, le pétrole représentant à lui seul près de 60% de ce total. La logistique est par conséquent un facteur essentiel de sa croissance et son développement.

Le contexte régional : le poids grandissant de l’Ethiopie

La région du Somaliland est géographiquement implantée en Afrique de l’Est (autrement appelée Afrique orientale), dont les performances économiques et les facteurs de croissance représentent environ 26% de la population africaine,16% du PIB combiné de l’Afrique en 2009 en prix courants et 22% de la superficie du continent. Ce tend à montrer clairement qu’une Afrique de l’Est intégrée aurait un grand potentiel pour le développement des échanges commerciaux et la réduction de la pauvreté. En 2013, elle a affiché un taux de croissance de 6 %, soit à peu près 2 points en pourcentage de mieux qu’en 2012. Elle devrait enregistrer un taux de croissance de quelque 6 % en 2014.

Le corridor de Berbera est stimulé par la croissance de l’Ethiopie qui joue de son influence afin de développer le port en vue de concurrencer le port de Djibouti d’une part et d’autre part disposer d’une plateforme multimodale sécurisée. La plateforme multimodale de référence est Mombassa, mais son accès est rendu difficile face à l’insécurité liée aux milices islamiques Shabab qui opèrent dans la région et à la piraterie maritime qui sévie dans cette zone de l’Océan Indien. Capter une partie de la croissance de l’Ethiopie sera très profitable pour le Somaliland. Il n’est pas exclu qu’un autre corridor s’ouvre avec le Soudan du Sud.

L’Ethiopie

Avec près de 90 millions d’habitants, l’Éthiopie est le deuxième pays d’Afrique le plus peuplé derrière le Nigéria. Beaucoup d’économistes considèrent cette donnée comme un atout à moyen et long terme pour l’Ethiopie et ce particulièrement à l’heure où la commission économique des Nations Unis pour l’Afrique et la Commission de l’Union Africaine placent  les politiques d’industrialisation des économies africaines au cœur de leur stratégie. L’économie éthiopienne a connu une décennie de fort développement avec un taux moyen de croissance du PIB de 10,6 % par an selon le gouvernement et d’environ 8 % selon le FMI.

  • Son économie :

Si ce développement devait se poursuivre, l’économie et la population de l’Ethiopie pourraient  atteindre le niveau de pays à revenu moyen en 2025, défini actuellement à 1430 dollars par habitant par la Banque Mondiale. Cette dernière, dans son dernier rapport, indique que la croissance économique de l’Ethiopie en 2012/2013  a été la 12ème plus importante dans le monde, et la 4ème en Afrique Subsaharienne. Cependant, le FMI relève que certains ajustements devront être entrepris par les autorités éthiopiennes dans la conduite économique du pays pour permettre au secteur privé de prendre une part plus active au développement, d’ouvrir les secteurs réservés à l’État ou aux seuls opérateurs nationaux (télécommunications, banques/assurances, logistique), pour accroitre la compétitivité, augmenter l’épargne domestique et résoudre les problèmes rencontrés dans la chaine logistique entre Djibouti et l’Ethiopie. Moody’s a évalué la note de crédit de l’Ethiopie à « B+ », tandis que S&P and Fitch lui ont attribué la note de « B ».

Un plan gouvernemental pour la période 2010-2015, le « Growth and Transformation Plan », mis en œuvre de manière méthodique par le Premier Ministre Haile Mariam Dessalegn est au cœur de cette renaissance débutante de l’économie éthiopienne. Il mise sur une croissance de 11 à 14 % contre une moyenne de 7,5 % pour le FMI. (cf graphe ci-contre – source World Economic Outlook, October 2012). Il a pour objectif de poursuivre les orientations mises en œuvre dans un précédent plan :

  • Modernisation de l’agriculture et développement de l’agro-industrie, pilier socio-économique du pays (44% du PIB, 80% des emplois et 90% des exportations) afin d’accroitre la productivité, d’augmenter les exportations et ainsi de favoriser les productions de substitution aux importations ; Développement du tissu industriel,
  • Modernisation et extension des infrastructures (routes, chemin de fer, énergie, télécommunications),
  • Appui aux secteurs sociaux (santé, éducation).

Croissance PIBLe bilan pour 2013 met en lumière, d’une part, les capacités de bonne gouvernance économique, les réalisations en termes de croissance et la meilleure pertinence des politiques sociales et, d’autre part, le défaut d’atteinte des objectifs pour les deux domaines-clés que sont le décollage du secteur privé manufacturier et la modernisation des techniques agricoles.

Les échanges extérieurs du pays sont en hausse sensible à l’importation depuis plusieurs années mais restent très déséquilibrés (3 Milliards de dollars d’exportation pour 10,7 milliards de dollars d’importation pour 2013). Le déficit commercial ressort à 7,5% du PIB et illustre la dépendance forte de l’économie éthiopienne pour les biens transformés et les équipements. Une dépendance également aux infrastructures portuaires, puisqu’aujourd’hui, le seul accès à la mer sécurisé s’effectue à partir de Djibouti, bien que certains produits transitent par le port de Berbera au Somaliland.

Du pétrole en prospection sur fond d’insécurité.

L’Ethiopie est un territoire complexe pour la prospection du pétrole dans la mesure où les sites sont éparpillés et plusieurs d’entre eux ne sont pas sécurisés. Les zones de prospection se situent principalement au Centre, au Sud et à l’Est de l’Ethiopie.

  1. La région du Sud-Omo (proche de la frontière avec la Kenya) est prospectée par Tullow et Africa Oil qui effectuent des forages dans des couches prolongeant celles du Turkana.
  2. Le centre a fait l’objet de prospections par Africa Oil et New Age Ethiopia (Jersey) dans la zone d’Adigalat, à proximité de Djibouti et du Somaliland.
  3. Le bassin de Jijiga est prospecté par South West Energy (société basée à Hong Kong).
  4. Le bassin de l’Ogaden (extrême Est) fait l’objet de prospections par Africa Oil et South West Energy dans une zone majoritairement peuplée de Somalis et non sécurisée. Le Front National de Libération de l’Ogaden reste actif et menace les activités.

Perte puis chute de ses ports.

Le conflit avec l’Erythrée a d’avantage isolé l’Ethiopie, en la privant de ses accès directs à la mer à partir des ports d’Assab et de Massaoua. Pourtant dotés d’un très bon équipement par les occidentaux dont la Russie, ces ports autrefois internationaux, sont devenus nationaux suite à la fermeture de la frontière avec l’Ethiopie en 1991 puis en 1998. Cette dernière fermeture eut des conséquences importantes pour l’Erythrée, puisque le port d’Assab par lequel transitait 98% du trafic destiné à l’Ethiopie a vu son activité s’effondrer, occasionnant une perte sèche quotidienne de 300 000 dollars. Cependant, l’ajout d’un terminal conteneur et sa remise en état font qu’Assab ne saurait se passer du trafic vers l’Ethiopie. Il est la porte d’entrée en hydrocarbures du Nord de l’Ethiopie, grâce à la raffinerie Simple Oil encore en activité. Cependant, privés de l’hinterland éthiopien pour des raisons politiques et géopolitiques, ces deux ports se contentent aujourd’hui d’un statut de second rôle dans la région. Ce qui fait les affaires de Djibouti et du Somaliland.

Corridor Sud Soudan : un partenariat avec l’Ethiopie ?

Le Soudan du Sud est un pays enclavé en situation difficile et conflictuelle avec son voisin du Nord. Les exportations de pétrole via le Nord Soudan ont été stoppées en 2012 (malgré l’accord signé en septembre 2012 par les deux Présidents) pour finalement reprendre en Avril 2013. Les revenus du pétrole représentent environ 98% des ressources de l’État. Son principal challenge est de trouver une voie stable (et sécurisée) pour exporter le pétrole et assurer ses revenus. Afin de se prémunir contre de nouvelles difficultés avec le Nord Soudan, deux projets sont à l’étude:

  1. L’un via le Kenya : Un MoU[3] pour le projet « Lamu Port and New Transport Corridor Development to Southern Sudan and Ethiopia» (LAPSSET) a été signé entre le Soudan du Sud, l’Ethiopie et le Kenya pour développer un couloir relié au port de Lamu (Kenya) avec pipeline, voie ferrée et route. Le tout pour un montant estimé à plus de 20 Milliards de dollars. Cependant, le gouvernement sud-soudanais s’impatiente car ce projet tarde à se concrétiser. Il a déclaré (fév. 2013) vouloir «envisager une évacuation par Djibouti, ou la Tanzanie (Tanga) au cas où le LAPSSET n’avancerait pas plus vite». En effet, la construction des deux premiers quais du port de Lamu a pris du retard, il reste à convaincre davantage d’investisseurs, notamment les entreprises qui exploitent les blocs au Sud Soudan. Or, celles-ci ne souhaitent pas financer une infrastructure de transport alternative après avoir développé celle vers le Nord. Le risque financier est élevé pour ces compagnies.
  2. L’autre vers Djibouti via l’Ethiopie, ce qui serait de bon augure pour Djibouti. A supposer que les infrastructures soient suffisamment en état pour accueillir cette activité complémentaire. Dans ce contexte, le port de Berbera pourrait également être une alternative complémentaire à ce vaste projet d’envergure. Pour peu que les ressources du Somaliland dégagent le pétrole et le gaz escompté. Djibouti envisage par ailleurs d’investir dans un second port à Tadjoura afin de soulager le port de Doraleh dont l’activité est très soutenue voire saturée.

Le second défi du Sud Soudan est de relancer l’exploration pour compenser le déclin de la production pétrolière d’ici à 2020 (on estime que certains puits en production seront épuisés de moitié d’ici là). L’exploration sur l’ensemble du territoire prendra entre 5 et 10 ans et pourrait apporter des réserves supplémentaires qui justifieraient un pipeline long et coûteux. D’autre part, les autorités du Sud Soudan ont récemment souhaité renégocier les permis d’exploration, ce qui va indéniablement ralentir la prospection.

Enfin, Djouba (Sud Soudan) et Khartoum (Nord Soudan) se contestent la zone frontalière, s’accusant mutuellement de soutenir les rebelles de part et d’autre, ce qui attise les tensions entre les deux pays et menace l’entente fragile pour le transit des hydrocarbures.

Quelles perspectives se dessinent ?

Globalement, la région a relativement bien surmonté la crise économique mondiale avec une croissance réelle positive (5,8%) en 2009. La croissance du PIB régional a été dopée par l’augmentation de la production de pétrole au Soudan, les exportations de minerais en Éthiopie et en Tanzanie, et par les réformes menées à travers la région. Le Kenya est devenu le carrefour commercial de la région et le lien de transport vers le monde entier pour beaucoup de pays par sa plateforme multimodale de Mombassa. L’amélioration des TIC permettrait de rendre plus robuste le secteur des services et assurerait une complémentarité afin d’intégrer les marchés et stimuler la demande de biens manufacturés dans la région. Le Kenya vit cependant au rythme de l’activité terroriste. Il existe en effet une forte menace de terrorisme au Kenya qui émane d’extrémistes liés aux milices Shebab. Cette dernière a proféré des menaces publiques contre le Kenya en raison de son intervention militaire en Somalie. Les autorités kenyanes ont cependant renforcé la sécurité pour contrer d’éventuelles attaques de représailles.

Le gouvernement éthiopien nourrit de grands espoirs quant au développement rapide de son économie. Il s’attend à voir les exportations de viande et de café augmenter particulièrement rapidement, de même que celles des textiles et des vêtements. Il prévoit aussi de décupler la production de sucre et de ciment dont une partie devrait être destinée à l’exportation. L’industrie éthiopienne du ciment compte aussi importer du charbon qui lui servira de combustible principal, ce qui devrait augmenter le volume d’un trafic portuaire. En vue d’attirer des investissements étrangers, le gouvernement éthiopien vend des terres arables à certains pays arabes des GCC et à certains pays des BRICS (Inde et Chine principalement) où ces terres viennent à manquer. Une ressource financière certes, mais aussi l’émergence d’un accroissement du trafic portuaire.

L’indépendance du Sud-Soudan introduit quant à lui un nouvel acteur dans la région de la Corne de l’Afrique qui pourrait se tourner vers Djibouti et l’Ethiopie en quête d’un grand corridor commercial. Il se pourrait également que sous l’influence de l’Ethiopie, un corridor bis soit ouvert entre le Sud-Soudan et le Somaliland (les distances sont plus courtes, mais reste le développement, la sécurité et la qualité des infrastructures routières et en énergie). Le Sud-Soudan suscite beaucoup d’intérêt pour ses larges réserves de pétrole. A ce titre, Il est question d’un oléoduc pour l’exportation du pétrole brut tiré des gisements sud-soudanais vers Djibouti. En dehors du pétrole, le volume de commerce extérieur du Sud-Soudan est susceptible d’être faible par rapport à celui de l’Ethiopie. Le PIB éthiopien est de l’ordre de 30 milliards de dollars alors que celui du Sud-Soudan est estimé à 13 milliards de dollars, dont 71 % proviennent du pétrole. Ce qui fait que 29% (soit l’équivalent de 4 Milliards de dollars) est du fait de l’autre pan de l’économie du Sud-Soudan (1/8 du PIB Ethiopien). Le rapport de force n’est pas le même.

Si les États africains espèrent rompre le cycle de la pauvreté et de la violence, ils devront stimuler la croissance économique réelle par un commerce plus diversifié et capter une plus grande part du marché mondial des biens manufacturés et des produits finis. Afin de concourir dans le domaine des produits manufacturés, les états africains devront démontrer aux investisseurs et aux entreprises que les marchandises produites, peuvent être obtenue de manière fiable et sécurisée.

Le secteur maritime doit donc figurer en bonne place dans les plans de croissance économique soutenue par le commerce de produits manufacturés. Aujourd’hui, 90% des mouvements commerciaux mondiaux se font sur les océans, et le trafic des conteneurs représente une part de plus en plus grande des expéditions maritimes. Cela signifie que les pays africains qui espèrent stimuler la croissance par le commerce mondial devront attirer l’ensemble des logisticiens y compris ceux spécialisés dans le transport maritime. Mais, cela pose un défi important pour les pays africains, dans la mesure où certains des ports de la région sont actuellement les moins efficaces au monde. Les conséquences peuvent être financièrement insupportable pour une compagnie maritime. En effet, il est estimé qu’un jour supplémentaire dans un port peut couter jusqu’à 35 000 dollars pour une compagnie maritime, ce qui représente un somme très importante qui dégrade sa compétitivité économique et commerciale.

L’augmentation du taux de trafic conteneurisé représente une charge supplémentaire sur les petits ports africains, qui n’ont souvent pas l’équipement nécessaire pour charger et décharger les containers. En Afrique de l’Ouest, manipuler 25 containers par heure est une norme qu’il convient de comparer au 425 dans de nombreux ports Asiatiques. En outre, de nombreux ports en Afrique ne peuvent pas accueillir des navires de taille moyenne, et encore moins les navires à très fort tonnage; s’ajoute à cette lacune le fait que l’industrie maritime mondiale a su moderniser rapidement ses flottes. Les pays d’Afrique doivent faire de grandes améliorations dans leurs infrastructures portuaires à travers l’expansion, l’entretien et l’amélioration de l’efficacité s’ils espèrent attirer les grandes entreprises de transport.

Berbera : pivot stratégique ?

Corne de l'Afrique
Port de Berbera

C’est le port d’entrée du Somaliland qui occupe une place privilégiée sur la route de l’Ethiopie, mais qui ne dispose que d’infrastructures modestes, héritées des périodes de coopération soviétiques puis américaines. La pauvreté des pays d’Afrique de l’Est (orientale) ne favorise pas l’entretien des ports, à cela s’ajoute la nécessité des entretiens réguliers (quais et dragage), mais aussi l’absence de passage des bateaux des grandes lignes internationales qui privilégies la route maritime de l’Est-Ouest et la route du Cap pour des hubs plus éloignés. La piraterie en mer Rouge et dans l’Océan Indien ne favorise pas non plus l’émergence de ces ports tout comme les nombreux conflits[4] qui affectent cette région depuis presque 40 ans maintenant, la rende instable et peu encline à la reconstruction des ports. Dans des pays où l’économie commence à émerger, l’entretien voire la restauration des ports occasionne un coût que les États ne peuvent supporter seuls. C’est entre autre le cas du port de Berbera. Ainsi, la qualité d’un port et de ces infrastructures en fait un objet de classification selon le contexte géopolitique. Les États côtiers disposent en effet d’un avantage réel et un argument de poids dans les relations bilatérales.

Le Somaliland possède un littoral au nord le long du golfe d’Aden de plus de 850 km. L’administration du Somaliland à travers l’Administration port de Berbera possède et exploite le port de Berbera. L’intérêt par le Groupe français Bolloré du port de Berbera confirme son essor, qui, depuis une dizaine d’année dispose d’une route en asphalte vers la portion frontalière avec l’Ethiopie (ville de Jijiga) et avec Hargeisa la capitale du Somaliland.

Bien que le port de Berbera ne soit que le simple reflet du port de Djibouti, il présente une alternative stratégique et potentiellement intéressante pour le corridor Djibouti dans la Corne de l’Afrique. Aujourd’hui, le corridor Djibouti sert d’accès principal de l’Éthiopie à la mer de sorte que toute congestion de Djibouti implique un délai de 3 à 6 mois pour l’économie de l’Ethiopie. Tandis que le gouvernement djiboutien privilégie le développement de ses ports, l’expansion des ports ne peut toujours pas dépasser la croissance à long terme des économies de la région. En outre, les taxes et les droits de douane djiboutiens ne diminueront pas de sitôt si le corridor de Djibouti s’ouvre vers celui du Sud Soudan pour l’acheminement de pétrole.

L’expansion du port de Berbera pourrait coûter plusieurs centaines de millions de dollars. Ali Omar Mohamed, responsable du port de Berbera, a récemment déclaré qu’il imagine voir la profondeur de son port passer de 12 à 20 mètres de profondeur afin d’accueillir les plus grand porte-conteneurs du monde, pesant près de 300 000 tonnes (35.000 tonnes aujourd’hui). Bien que relevant de la fiction selon un bon nombre d’observateurs occidentaux, il apparaît comme un atout pour le Somaliland. Il confirme ainsi la volonté du gouvernement du Somaliland dans ses grandes aspirations à en faire le deuxième port de la Corne de l’Afrique et le principal concurrent de Djibouti. «Le port de Berbera est une fenêtre sur le monde. Il offre des capacités incroyables au Somaliland. Si nous les utilisions à plein, nous pourrions développer bien d’autres secteurs», affirme Mohammed Abudllahi Omar, ministre des Affaires étrangères. Le gouvernement a ainsi déjà lancé des travaux pour améliorer les routes et ressusciter le «corridor de Berbera». Il faut relier le port aux pays limitrophes qui pourraient être intéressés par une alternative à Djibouti. Cette volonté politique est d’autant plus affirmée que si l’Ethiopie utilisait davantage le port de Berbera, cela pourrait rééquilibrer l’économie régionale et les relations bilatérales.

En réalité, l’Ethiopie fait transiter déjà environ 20% de son commerce par Berbera. La création du Sud Soudan offre également de nouvelles perspectives au port. Il s’agit pour le gouvernement du Somaliland de diversifier son activité afin de rendre plus attractif son offre commerciale, et d’attirer les capitaux extérieurs.

La dépendance de l’Éthiopie sur le corridor de commerce avec Djibouti laisse le pays vulnérable aux fluctuations de sa relation avec son partenaire commercial, ce qui compromet sa capacité à gérer efficacement sa politique économique d’un point de vue logistique. La Banque Mondiale a également encouragé Addis-Abeba à développer des voies de transport jusqu’au Somaliland afin de diversifier ses options logistiques, et d’améliorer ainsi sa position pour négocier ou renégocier l’accès aux corridors dont elle bénéficie ou pourrait bénéficier. Cet encouragement de la Banque s’explique aussi par la nécessité d’une amélioration de l’infrastructure dans la région provoquée par les goulets d’étranglement persistants dans les ports de Mombasa, de Dar es-Salaam et de Djibouti.

Dans ces circonstances, le port de Berbera est le fer de lance économique du Somaliland, et se positionne comme la plaque tournante du commerce arabo-africain, parmi un certain nombre de projets dans lesquels Bolloré Africa Logistique est maintenant impliqué dans la «partie supérieure» de l’Afrique. La question de sa compétitivité peut se poser d’où l’importance d’accueillir des investisseurs qui seront à même d’apporter des capitaux tant pour le développement des infrastructures que des installations terrestres nécessaire à son bon fonctionnement. La rentabilité du port de Berbera se mesure principalement sur l’analyse de l’hinterland. Les données fournies les autorités du port de Berbera (Somaliland Port Autorities) montrent une activité soutenue :

Importations & Exportations

Importation TonneExportation Bétail

La chute des exportations en 1999 et 2001 s’explique par les interdictions de ventes du bétail suite aux maladies infectieuses.

Activité du port

Trafic PortImportation de container

Près de 97% de toutes les exportations se font à destination du Yémen et de l’Arabie Saoudite qui absorbe à elle seule plus de 86% des exportations du Somaliland. Depuis la levée de l’interdiction d’exporter en 2001, il y eu une focalisation accrue sur les marchés de l’Arabie Saoudite, y compris sur le segment du pèlerinage, très important, et d’autres périodes de fêtes religieuses. L’implication des grands importateurs saoudiens dans les marchés du Somaliland leur a donné un rôle dominant afin d’influencer les prix et les volumes d’exportation.

Somaliland LivestockLes marchés actuels d’exportation de bétail du Somaliland comprennent la totalité des pays du GCC, le Yémen et l’Egypte. Il existe d’autres marchés émergents potentiels comme ceux de l’Irak, de la Libye, de la Jordanie, de la Turquie ou encore de la Malaisie. Les perspectives et les possibilités de croissances dans ce domaine sont importantes. La demande de viande et de produits animaux, dans les pays principaux du GCC, devrait croître d’environ 6% par an, ce qui est considérable.

Le marché des GCC revêt une grande importance pour le Somaliland qui devra faire face à la concurrence de l’Australie.

  • Les pays du GCC totalisent une population de l’ordre de 40,6 millions. Ils ont une dépendance à l’égard des importations de denrées alimentaires internationales, ce qui rend l’offre du bétail, de la croissance et des perspectives de marché très prometteur.
  • Les importations de denrées alimentaires du CCG devraient atteindre53,1 milliards de dollars d’ici à 2020. La valeur de ces importations va plus que doubler au cours de la prochaine décennie pour satisfaire une population régionale de plus en plus
  • Les GCC vont importer90% de leur nourriture en raison de la pénurie d’eau et le manque de terres arables. Les importations de denrées alimentaires étaient de 25,8milliards de dollars en 2010et devraient atteindre53,1milliards de dollars d’ici 2020.
  • La production locale GCC ne suffit pas à satisfaire les besoins alimentaires Ce qui fait qu’ils dépendent fortement du marché alimentaire mondial. C’est l’une de leur grande préoccupation. La sécurité alimentaire au sein des GCC est une question de priorité nationale pour les gouvernements régionaux.

Les exportations de bétail du Somaliland sont en compétition au Moyen-Orient avec celles d’autres pays et dans une moindre mesure, l’importation de la viande congelée et réfrigérée, mais aussi d’autres sources de protéines comme la volaille et le poisson.

Les trois principaux concurrents sont l’Australie, le Soudan et la Syrie[5]. Ces pays sont capables d’exporter plus de un million de têtes vers l’Arabie saoudite pendant la période du Hadj.

L’élevage du Somaliland est plus compétitif en raison de la qualité moindre des animaux, beaucoup plus maigre que la concurrence. Par exemple, les moutons du Somaliland sont vendus entre 90 et 120 dollars par tête contre 170 à 180 dollars par tête pour les moutons Swakini du Soudan. Les races locales du Golfe, de bien meilleure qualité encore (Njadi, Neami, Hari et Awasi) atteignent des prix très élevés de 320 à 350 de dollars par tête.

Alors que les pays tels que l’Inde, l’Iran, le Pakistan et certains pays d’Europe de l’Est gagnent des parts de marché au Moyen-Orient pour des animaux vivants, leurs exportations sont limitées à certains segments du marché avec de faibles volumes; et plus axées sur la viande. En conséquence, les exportations d’animaux vivants du Somaliland sont en phase pour continuer à croître dans les années à venir.

Des ressources naturelles inexploitées

Le potentiel minéral de la Somalie n’a pas été suffisamment exploré ni sondé correctement. Depuis l’époque coloniale et post-indépendance, le pays reste l’un des derniers qui offrira des opportunités et sans doute des surprises aux entreprises qui oseront s’y aventurer.

De l’époque coloniale à la période 1960 – 1991, l’exploration minérale de la Somalie était sporadique et a porté, dans une certaine mesure, sur les sous-sols cristallins : le massif de Buur à l’ouest de Mogadiscio et du sous-sol cristallin au Nord, au Somaliland. Certaines études géologiques ont été réalisées principalement par la Commission géologique du ministère des Mines et du Pétrole, financé par le PNUD ou par certains pays donateurs. D’autres enquêtes ont été effectuées soit par le Département de Géologie de l’Université nationale de Somalie ou par les Russes. Ces enquêtes minérales ont identifié quelques précieux gisements de minéraux. En 1988, le secteur minier ne constituait que 0,3% du PIB.

L’exploitation minière est le fait d’une activité artisanale, et concerne principalement les minéraux non métalliques constitués de pierres précieuses, sel, sépiolite, le gypse et le kaolin. Le Somaliland dispose de terres rares avec d’importantes réserves de Columbite-Tantalite.

Pendant la période coloniale, les britanniques exploitaient et effectuaient le commerce de l’étain principalement avant la Seconde Guerre mondiale dans la région de Erigabo. On trouve des gisements d’étain-tantale situé au Dhalan et Majiyahan, qui ont été exploitées dans les années soixante-dix par la compagnie Bulgare Technoexport.

Le contexte sécuritaire et l’instabilité politique dans la région n’ont pas favorisé l’exploitation du sous-sol de la Somalie et du Somaliland qui semble regorger de richesses. Inexploré, le secteur minier de la Somalie dispose d’un immense potentiel, et d’innombrables opportunités pour ceux qui ont l’intention d’investir en Somalie et au Somaliland en particulier. Ce secteur est vierge et reste donc à explorer et à exploiter. Ainsi, les gisements inexploités sont : l’or, l’anhydrite, la bauxite, la colombite, le cuivre, le feldspath, le minerai de fer, le kaolin, le quartz, le sable de silice, le tantale, le thorium, l’étain et l’uranium. Des compagnies pétrolières ont obtenus des concessions d’exploration et d’exploitation du sous-sol tant au Somaliland qu’en Somalie. Reste que pour exploiter ces ressources, les différents acteurs gouvernementaux doivent s‘entendre sur la sécurité, de déployer des efforts de lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent, mais aussi de développer les filières minières. Il faudra pour cela mettre l’accent sur le développement des infrastructures, de l’énergie et la formation des populations source de progrès social. L’investissement et le réinvestissement seront la clé de voute tout au long de ce processus. Une mauvaise gestion de l’investissement risquerait de voir émerger une nouvelle source de conflit symétrique dans la corne de l‘Afrique similaire à ceux que l’on trouve dans les pays d’Afrique de l’Ouest. Le risque de voir émerger des situations de rentes qui feraient apparaître rapidement le syndrome hollandais dont on sait qu’il est source d’inégalité et d’instabilité politique serait alors élevé. Tout l’enjeu est là, apprendre des erreurs des autres et capitaliser pour ne pas les renouveler.

Un contexte géopolitique fragile et sensible…

Le développement du corridor de Berbera est suspendu aux relations diplomatiques que peuvent entretenir le Somaliland et l’Ethiopie. Bien que ne reconnaissant le Somaliland, l’Éthiopie est le premier pays qui a établi des relations diplomatiques avec la capitale du Somaliland à Hargeisa par l’ouverture d’un consulat. Par ailleurs, l’Ethiopie vise à empêcher les forces d’opposition éthiopiennes soutenues par l’Erythrée à se livrer à différents types d’opérations transfrontalières. Dans le même temps, elle va jusqu’à soutenir l’ennemi du Somaliland, le Puntland. De toute les façons, l’Ethiopie n’aurait pas bénéficié d’un Somaliland internationalement reconnu et ferait mieux de maintenir le statu quo afin de rendre le Somaliland malléable et d’empêcher l’émergence d’une Somalie unie et renaissante qui poserait une menace à la sécurité à tout moment. En outre, L’Éthiopie ne veut pas être perçue comme une force de balkanisation de la Somalie, en particulier aux yeux de sa propre population somalienne ethnique importante, et donc fait tout pour éviter un conflit clanique sur son propre territoire. La plus longue frontière du Somaliland est avec l’Ethiopie et les nomades somaliens traversent régulièrement les deux côtés de la frontière à la recherche de pâturages de saison. Le Somaliland comprend parfaitement que son sort sera influencé par la position diplomatique et militaire de l’Ethiopie, et que c’est un mandat parmi d’autres dans une lutte géopolitique relativement longue et prolongée dans la Corne de l’Afrique.

De nombreux observateurs estiment que les deux pays Somaliland et Ethiopie n’ont pas été plus en avant dans le développement d’une relation bilatérale commerciale et d’investissement efficace. Plus précisément, Hargeisa n’était pas en mesure de proposer un programme de développement commercial convaincant qui pourrait influencer l’Éthiopie à investir plus massivement au Somaliland. Beaucoup de commentateurs politiques affirment que les gouvernements successifs du Somaliland n’ont pas investi beaucoup de temps et fait suffisamment d’efforts dans la promotion et le développement du Corridor de Berbera comme voie majeure pour les importations et les exportations de l’Ethiopie, et qui reste largement sous-utilisé par rapport à son potentiel. En outre, l’Éthiopie a réussi à amener l’énergie hydro-électrique dans les villes près de la frontière éthiopienne du Somaliland, mais le gouvernement actuel d’Hargeisa n’a pas encore su profiter de cette occasion pour exploiter cette ressource dans l’intérêt du Somaliland.

Les Éthiopiens auraient tout à gagner en repensant leur stratégie politique et diplomatique envers le Somaliland. Quel est l’intérêt de l’Ethiopie ? N’est-il pas d’avoir un allié stable jouissant d’une effectivité responsable, mais dont la sécurité reste l’un des problèmes les plus difficiles dans cette région très volatile et instable. C’est avec un Somaliland pacifié que leur frontière commune qui s’étend sur des centaines de kilomètres, pourra être sécurisé, et ce, grâce au gouvernement du Somaliland et de ses habitants. À cet égard, l’Éthiopie devrait reconsidérer la quête du Somaliland pour la reconnaissance comme un programme essentiel et stratégique pour sa propre sécurité.

Reste à voir le positionnement des autres acteurs que sont l’Union Africaine, la Somalie et les instances internationale, qui pour l’heure apporte leur soutien à la Somalie par des apports financiers et diplomatiques en vue de sortir l’État faillit de la Somalie du chaos dans laquelle elle est plongé depuis la chute du Régime de Siad Barré.

Conclusion

Berbera tout comme le Somaliland disposent d’atouts pour s’inscrire comme un pivot économique alternatif à Djibouti. Sa faiblesse et plus généralement celle constatée en Afrique’est le manque de capacité portuaire régionale, ce qui signifie que le développement de plusieurs ports serait souhaitable pour le commerce. Les grands ports d’Afrique que sont Durban, Port-Saïd (Egypte), Mombasa (Kenya) et Abidjan (Côte d’Ivoire) disposent de ces capacités. Cependant trop peu de ports africains comme Berbera, sont capables de gérer des navires modernes. Développer le port de Berbera, c’est s’inscrire dans la stratégie long terme de développement économique du continent. Il faudra du temps à Berbera pour concurrencer le port de Djibouti plus expérimenté et développé. Bien que de gros efforts ont été consentis, son développement nécessitera du temps et de l’investissement. L’Ethiopie ne saurait être vulnérable et tributaire du seul port de Djibouti sur le plan économique.

La mise en place du corridor de Berbera nécessitera une gestion qui contribuera à forger une vision et une stratégie pour l’avenir. La participation de l’ensemble des acteurs à cette stratégie peut s’avérer très utile et fédératrice pour le développement de l’économie. Le gouvernement du Somaliland devra être le catalyseur pour développer un partenariat public-privé afin de stimuler la participation privée dans les infrastructures, comme le suggère la Banque Mondiale.

Berbera dispose également d’un aéroport, et dans sa stratégie de développement (en considérant l’aspect de sa non reconnaissance internationale) les autorités pourraient procéder à une évaluation d’un corridor aérien de services de fret air/mer avec le Sud Soudan et la région des Grands Lacs (Ouganda, Rwanda, Burundi, République Démocratique du Congo). Il s’agit ainsi de développer une stratégie pour le secteur du transport qui s’appuierait sur des plans directeurs afin d’identifier les potentiels de développement de l’économie nationale et d’intégrer les économies des pays voisins sur un horizon de 15 à 20 ans.

Alors oui, dans ces conditions, le Somaliland pourra se positionner en pivot économique de l’hinterland avec comme toile de fond un renforcement habile de ses relations diplomatiques avec l’Ethiopie.

Sébastien Brouiller

—— Notes de bas de page ——

[1] « The African Report », 23 juin 2011

[2] Son Excellence Yacoob Abba Omar, Ambassadeur d’Afrique du Sud aux Emirats Arabes Unis.

[3] Un mémorandum d’entente (en anglais memorandum of understandingMoU) ou Protocole d’entente (PE) (Canada1) est un document décrivant un accord ou une convention bilatérale ou multilatérale entre ses parties. Elle déclare une convergence d’intention entre les différentes parties, indiquant une ligne d’action commune. Il est souvent utilisé dans les cas où les parties n’ont pas impliqué un engagement juridique ou bien dans des situations où les parties ne peuvent pas créer une entente ayant force exécutoire. Il est une alternative plus formelle à un gentlemen’s agreement.

[4] Conflit entre l’Ethiopie et l’Erythrée (1974-1991 et 1998-2000) – Conflits au Mozambique (1975-1992) – Conflits en Somalie depuis 1988 – Tensions au Kenya (2007-2008) et au Zimbabwe (2008)

[5] Le conflit qui sévit actuellement en Syrie risque de modifier pour quelques temps la donne, ce qui devrait faire les affaires du Somaliland.

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