Le 10 décembre dernier, la nouvelle Commission européenne ainsi que son Président ont prêté serment d’indépendance devant la Cour européenne de justice à Luxembourg, cet évènement qui regroupait enfin tous ses membres nous a permis de nous pencher sur les dernières nouveautés de la Commission européenne 2014 – 2019.
Un nouveau mode d’élection
Le nouveau président Jean – Claude Juncker est le premier président de l’histoire de la Commission européenne à avoir été élu par le Parlement conformément aux mesures prévues dans le Traité de Lisbonne de 2009[1]. On peut résumer le processus d’élection du président de la Commission en trois grandes étapes. Suite aux élections européennes des 22 – 25 mai derniers, le Parti Populaire Européen (PPE[2]) est arrivé en tête. Le Conseil européen s’est ensuite réuni le 27 juin 2014 pour proposer un candidat à la présidence de la nouvelle Commission (Jean – Claude Juncker a été le choix commun de 26 chefs d’Etat et de gouvernement sur 28). Enfin, le Parlement européen a eu le dernier mot en votant pour le candidat proposé par le Conseil européen. Avec 422 voix pour son élection (le minimum de voix requis étant de 376 voix), 250 contre, et 47 abstentions, Jean – Claude Juncker (Luxembourg) a été élu le 15 juillet 2014 à la présidence de la Commission européenne.
Les commissaires aussi ont dû s’adapter aux nouveautés qui leur étaient réservées. En effet, cette année se sont déroulées les fameuses « auditions » des candidats aux divers postes de commissaires européens[3]. Chaque Etat membre présente un candidat pour un poste de commissaire (il y avait donc 27 candidats à auditionner, le Luxembourg non compris). Les auditions se déroulent de la manière suivante, les candidats doivent d’abord répondre par écrit à quelques questions qui leur sont adressées par le Parlement, ensuite ils sont entendus pendant des sessions de trois heures par les commissions parlementaires qui sont responsables du portefeuille auquel ils candidatent (brève présentation, puis argumentaire sur leurs qualifications pour le portefeuille). Si besoin, les dites commissions parlementaires peuvent demander de plus amples informations par écrit dans les 24 heures qui suivent l’audition du candidat, enfin, un rapport d’évaluation est envoyé à la Conférence des présidents des commissions et à la Conférence des présidents du Parlement, qui déclare les auditions closes. Ici encore, le Parlement a le dernier mot dans la composition de la Commission 2014 – 2019[4]. Ces auditions sont déterminantes pour la composition de la Commission, et tous les candidats ne sont pas automatiquement déclarés commissaires (les députés européens ont rejeté la candidature de la slovaque Alenka Bratusek ainsi que celle du hongrois Tibor Navracsics, et de nouvelles auditions ont été faites le 20 octobre).
Focus sur le plan d’investissement de la Commission Juncker
En place depuis le 1er novembre dernier, la Commission européenne doit trouver des solutions pour faire face aux nombreux défis d’une Union à 28. Ainsi, suite à son élection, le président Juncker a présenté son programme « pour l’emploi, la croissance, l’équité et le changement démocratique ». Il déclare vouloir une « Union européenne plus grande et plus ambitieuse pour les grands enjeux, plus petite et plus modeste pour les petits dossiers ». La Commission s’attaquera donc en premier lieu aux dossiers urgents par l’intermédiaire des Vice-présidents notamment et des commissaires ensuite.
Ainsi, les 6 Vice-présidents en place incarnent un domaine d’intervention prioritaire de la Commission. Ils sont affectés aux domaines suivants : le marché unique numérique ; l’euro et le dialogue social ; le budget et les ressources humaines ; l’énergie ; la meilleure réglementation- les relations interinstitutionnelles- l’Etat de droit- la Charte des droits fondamentaux- le développement durable ; les affaires étrangères et la politique de sécurité ; enfin l’emploi- la croissance et la compétitivité.
En parallèle de ces 6 domaines d’intervention, le président Juncker liste 10 priorités pour sa nouvelle Commission[5]. La première priorité reste le « nouvel élan pour l’emploi, la croissance et l’investissement ». Dans ce cadre, un plan de relance de l’investissement de plus de 300 milliards d’euro sur trois ans a été mis en place en tant que première action concrète de cette Commission. Outre l’objectif premier de relancer la croissance et l’emploi, il permettra d’investir dans la modernisation des infrastructures, dans les secteurs de l’énergie, l’industrie, le haut débit, l’innovation, … Ce plan met en avant le fait que pour répondre aux nouveaux défis de l’Union européenne actuelle, il faut repenser les solutions apportées pour varier de la politique d’austérité en place.
Plusieurs défis sont à prévoir dans l’avenir de cette Commission[6], à savoir, la déflation à endiguer, la promotion d’une nouvelle croissance plus progressiste, en phase avec les défis écologiques et avec les industries de l’avenir, ainsi que la vague de la troisième révolution industrielle. Sur le plan démocratique, des évolutions sont à prévoir, dans un premier temps avec le rôle accru du Parlement européen et des parlements nationaux, avec un besoin d’améliorer l’efficacité- la légitimité- et la solidarité au sein de l’Union européenne. Il faut créer des ponts entre les citoyens et les institutions en instaurant un dialogue, ainsi, la communication des diverses institutions à destination des citoyens sera renforcée.
Une mission politique pour la Commission ?
Le président Juncker a pour souhait de faire une Commission européenne « politique » dont les commissaires seront les portes paroles. Néanmoins, un premier doute s’installe sur l’appartenance politique et voir nationale de chaque commissaire. Les décisions prises le seront-elles en fonction des besoins européens ou des revendications partisanes, voir même parfois nationales des commissaires ? On peut donc remettre en question la possibilité d’arriver un jour à une Commission européenne politique.
Ensuite, la diplomatie européenne et l’Europe de la défense, qui font partie des priorités de la Commission, soulèvent aussi des questions. La Commission, pouvoir exécutif de l’Union européenne, a-t-elle vocation à intervenir dans la diplomatie européenne ? Certes, elle représente l’Union européenne sur la scène internationale, notamment dans les processus de négociation d’accords commerciaux, mais pour ce qui est de la diplomatie, le visage de l’Union reste celui de la nouvelle Haute représentante de l’Union européenne et Vice-présidente de la Commission, Federica Mogherini. Néanmoins, l’on se souvient des obstacles auxquels a dû faire face son prédécesseur, Catherine Ashton, à qui l’on reprochait souvent son manque de prise de position. Cela s’explique par le fait que les décisions concernant la politique étrangère de l’Union européenne doivent se prendre à 28, on comprend ainsi les origines de la lenteur voir même de l’inaction de l’Union européenne sur la scène internationale.
Nous l’avons vu ici, la Commission Juncker s’est fixée de nombreux objectifs, variés et ambitieux. La volonté de faire évoluer les choses en partant sur de nouvelles bases et en se fixant de nouveaux caps est omniprésente, néanmoins, certaines priorités semblent utopiques et laissent place à de nombreux débats. Il reste donc 5 ans à la Commission Juncker pour faire ses preuves et atteindre ses buts d’ici 2019.
——– Notes de bas de pages –——
[1] Jean – Claude Juncker a été élu le 15/07/2014 par le Parlement européen – Le Parlement élit Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission européenne, Europa.fr, 15 juillet 2014
[2] Voir son descriptif détaillé ici : http://www.eppgroup.eu/fr
[3] Comment les commissaires européens sont-ils désignés?, La Croix.fr, 7 octobre 2014
[4] Les commissaires européens (2014 – 2019), Europa.fr, 27 octobre 2014
[5] Les 10 priorités de la nouvelle Commission européenne, Toute l’Europe.eu, 31 octobre 2014
[6] Propos recueillis au cours de la conférence du 02/12/14 à la maison de l’Europe, intervenants Thierry Chopin, Gaëtane Ricard – Nihoul, Henri Weber.