The Limits to Growth (en français Halte à la croissance !) est un ouvrage rédigé sous la direction de Donella et Dennis Meadows, Jørgen Randers et William W. Behrens III, dans sa version originale, pour le Club de Rome, Think Tank créé en 1968 à l’Accademia dei Lincei.
Sur commande du Massachusetts Institute of Technology en 1970, le Rapport Meadows est la première étude à scénario catastrophique sur les dangers écologiques et environnementaux du développement économique et de la croissance démographique internationale.
La thèse principale de l’ouvrage
Critique du modèle économique global, le document part du postulat que le monde atteindra au cours du XXIe siècle, un pic de croissance démographique qui, a fortiori, entraînera un appauvrissement des ressources naturelles et un clivage entre les populations du Nord et du Sud.
À sa parution en 1972 la population mondiale est estimée à 3,6 milliards d’individus et doit doubler dans les 30 prochaines années. Cette hypothèse démographique est mise en parallèle avec la production industrielle mondiale qui croit de 7% par an depuis les années 1960. Cette surconsommation décriée par les auteurs du rapport, entraîne un épuisement des terres fertiles, augmente les difficultés d’accès aux sources d’eau potable et favorise l’accroissement de la pollution terrestre (développé autour du célèbre récit sur la disparition précoce des abeilles).
L’étude suggère pour la première fois l’idée que les ressources d’hydrocarbures volatils (pétrole et gaz) ne seraient pas inépuisables, et que son exploitation serait, elle, trop soutenue.
Recommandations et prémices du développement durable
L’ouvrage en conclut que cette mauvaise utilisation des ressources naturelles favorisera une crise économique durable et entraînera donc des luttes pour l’acquisition de ces richesses. Ainsi la population mondiale sera amenée à décliner avant de retrouver une certaine stabilité. De ce fait, les auteurs préconisent la fin de ce modèle de croissance économique par la nécessité d’adapter nos méthodes de consommation et d’exploitations des sols et le besoin impératif de répartir les ressources terrestres.
L’ouvrage est précurseur du modèle de développement durable repris par le Rapport Brundtland (1987) de l’Organisation des Nations Unies (ONU) en apportant la définition suivante : « Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Mais à sa sortie, comme lors ses rééditions agrémentées en 1993 et 2004 (1), le Rapport Meadows fera l’objet de nombreuses critiques de la part de journalistes, de scientifiques et d’hommes politiques lors de sa publication en 1972.
Ainsi, Friedrich Hayek, prix Nobel d’Économie de 1974, économiste de l’École Autrichienne, philosophe et initiateur du libéralisme, dira de l’ouvrage : « L‘immense publicité donnée récemment par les médias à un rapport qui se prononçait au nom de la science sur les limites de la croissance, et le silence de ces mêmes médias sur la critique dévastatrice que ce rapport a reçue de la part des experts compétents, doivent forcément inspirer une certaine appréhension quant à l’exploitation dont le prestige de la science peut être l’objet » (2).
En 2002, l’écologiste danois Bjorn Lomborg catégorisera l’ouvrage de « Dustbin of History » (3).
L’étude du University of Melbourne’s Melbourne Sustainable Society Institute
Ce qui nous intéresse ici est un article publié le 2 septembre 2014 dans The Guardian par le Dr. Graham Turner, research fellow au University of Melbourne’s Melbourne Sustainable Society Institute et dont les travaux portent sur la viabilité à long terme de notre modèle de croissance économique et son impact sur l’environnement, et Cathy Alexander research fellow au University of Melbourne’s Melbourne Sustainable Society Institute est une ancienne journaliste spécialiste des questions environnementales et dont les travaux portent sur le développement durable.
Complément d’une étude déjà réalisée par le Dr. Graham Turner en 2008 sur les scénarios « business as usual« , « monde super-technologique » et « monde stabilisé » du Rapport Meadows, l’article du Guardian offre une comparaison de la thèse de The Limits to Growth au monde actuel, quarante années après la partition de la version originale de l’ouvrage.
So were they right?
Pour cela, le Dr. Graham Turner a comparé les données collectées par l’ONU dans son département des affaires économiques et sociales, les données de l’Unesco, de l’organisation alimentaire et l’agriculture. Ces statistiques ont également été exploitées en comparaison avec celles recueillit par l’US national oceanic and atmospheric administration et la BP Statistical Review.
Les résultats montrent que le monde a suivi d’assez près les prévisions du scénario « business-as-usual » comme le prouvent les graphiques comparatifs ci-dessous.
Dr. Graham Turner explique alors que la ligne pointillée indique les limites de la croissance du scénario « business-as-usual » pour 2100 et montre que pour l’année 2010, les données sont remarquablement similaires aux prévisions de l’ouvrage.
Comme les chercheurs du MIT l’ont expliqué en 1972, la croissance démographique et les demandes de la richesse matérielle conduiraient à la plus de production industrielle et une augmentation parallèle de la pollution. : « Les ressources sont utilisées à un rythme soutenu, la pollution augmente, la production industrielle et alimentaire par habitant est en hausse. La population croît rapidement« .
So what happens next?
Le Dr. Turner s’appuie sur The Limits to Growth pour donner une orientation pour 2015 : « Selon le livre, pour nourrir la croissance continue de la production industrielle nous devons avoir recourt à une exploitation des ressources de plus en plus soutenue. Mais les ressources deviennent plus coûteuses à extraire du fait de leur épuisement. Aussi, comme de plus en plus de capitaux sont utilisés pour leur extraction, la production industrielle par habitant commence à retomber. Il en va de même pour la production agricole par habitant, en cause, la pollution. Les dotations financières à destination des services de santé et d’éducation se réduisent, ce qui entraîne une augmentation du taux de mortalité. Aux alentours de 2020 la population mondiale commencera à chuter, et à partir de 2030 perdra environ un demi-milliard de personnes par décennie. Les conditions de vie tomberont à des niveaux similaires à celui connu au début des années 1900« .
Alors qu’en conclure ?
Ce que prouvent les graphiques c’est que la tendance négative pourrait empirer entre 2015 et 2030, mais qu’une analyse comme celle-ci ne peut trouver sa justification dans une période d’étude aussi restreinte. Cependant, un évènement particulier peut témoigner des limites du système d’aujourd’hui. Il s’agirait en effet de la crise économique de 2007 – 2008. « La poursuite de la richesse matérielle a contribué à des niveaux insoutenables d’endettement (des États et des ménages), avec une hausse soudaine des prix des denrées alimentaires. »
Dans The Limits to Growth il est question de contraintes financières autour des ressources hydrocarbures qui provoqueront l’effondrement du système mondial. D’un point de vue économique, l’auteur aborde aussi le fameux « pic pétrolier » que l’on pourrait atteindre prochainement, c’est à dire le moment où la production mondiale de pétrole commencera à décliner du fait de l’épuisement des réserves d’hydrocarbure. Certains analystes, eux, pensent qu’il a déjà été atteint depuis une dizaine d’années, ce qui les poussent à avancer l’idée d’explorer de nouveaux terrains énergétique (gaz de schistes, sable bitumeux, gaz de couche – de méthane, etc…). Au regard de la santé publique, cette étude prend en compte les émissions de gaz à effet de serre, leur impact sur le climat, sur l’environnement et sur la santé des populations qui y sont exposées.
Finalement, l’ouvrage restera décrié, ses conclusions aussi. Chacun y trouvera mot à redire en fonction de ce qu’il l’accommode, et des erreurs commissent par les auteurs de The Limits to Growth. On pourra penser que l’étude est facile et joue sur une peur commune, c’est aussi dans ce sens que vont les conclusions du Dr. Graham Turner, qui tire néanmoins la « sonnette d’alarme » sur les risques encourus par un modèle économique à bout de souffle. Toutefois, force est de constater qu’aujourd’hui aucun décideur politique ne tape assez fort du point sur la table pour se faire entendre et changer le cours des choses.
Allons donc dire aux pays en développement de ne pas polluer alors que durant un siècle nous autres avons pillé la Terre de ses ressources et contaminer la planète en surexploitant ses terres.
Voici les derniers mots de l’article : « So far, there’s little to indicate they got that wrong« .
——- Notes de bas de pages -——
(1) Sous les titres Beyond the Limits. Confronting Global Collapse, Envisioning a Sustainable Future et Limits to Growth. The 30-Year Update
(2) Friedrich Hayek, The Pretence of Knowledge, 1974
(3) Bjorn Lomborg et Olivier Rubin, The Dustbin of History : Limits to growth, 1er novembre 2002