Vendredi 27 juin 2014, les 28 chefs d’États et de gouvernements ont nommé Jean-Claude Juncker nouveau président de la Commission européenne. Le luxembourgeois de 59 ans, ex-premier ministre, prendra ses fonctions à la fin du mandat de son prédécesseur, le Portugais José-Manuel Barroso.
Alors, quels sont les défis qui l’attendent ?
Le péril britannique
« C’est un jour sombre pour l’Europe (…) c’est la mauvaise personne« . Voici tout le bien que pense le premier ministre britannique, David Cameron, à l’encontre de Jean-Claude Juncker.
Ce sera sûrement le premier défi à relever pour le nouveau président de la Commission, apaiser les différends diplomatiques quant à cette nomination non souhaitée par l’Angleterre de David Cameron et la Hongrie de Viktor Orban. Alors il est vrai que David Cameron et Jean-Claude Juncker se sont parlés au téléphone depuis, mais aurons lieu à de nombreux sujets de désaccord.
Fédéraliste dans l’âme, Jucker souhaite accroître les pouvoirs de Bruxelles, centre décisionnaire européen, quand l’Angleterre souhaite accorder une plus grande place aux États. Cette position britannique est d’autant plus compréhensible que David Cameron se retrouve confronté à deux contraintes imprévisibles, la victoire du parti indépendantiste aux élections européennes, et le référendum prochain quant à l’indépendance ou non de l’Écosse.
Dans cette bataille, la presse britannique n’est pas en reste, puisque le nouveau président de la Commission aura hérité du surnom de « Juncker federalist dangerous man« .
Une nouvelle vision de l’Europe à incarner
C’est la seconde information de la semaine. Gerald Schulz, président du Parlement européen, grand ami de Jean-Claude Juncker et adversaire de campagne électorale du futur pensionnaire de la Commission, reste en place. Si cette décision ne surprend pas, elle est, pour les eurosceptiques, le paroxysme d’une bureaucratie européenne non renouvelée, aux mains des lobbys financiers qui détruisent les marchés intérieurs des États-Nations européens.
Renforcer les marchés intérieurs, c’est aussi le fer de lance de Mateao Renzi, Président du Conseil des ministres italien, qui, depuis le 1er juillet, a pris en charge la présidence de l’Union européenne. Soutien de Juncker, M. Renzi a obtenu du nouveau président de la commission des garanties concernant l’application des règles budgétaires en Europe. Celles-ci doivent être plus flexibles afin de favoriser l’investissement dans les pays européens et de ce fait, redynamiser la croissance économique des pays membres de l’Union.
Et l’enjeu est de taille. Avec 25 millions de chômeurs, dont 5 millions de jeunes diplômés, Juncker doit apporter un projet européen solide afin de stimuler la compétitivité de l’Europe sur un marché qui devra être créateur d’emplois.
Prendre en charge les dossiers latents de l’UE
Stimuler, redynamiser, mais aussi réformer l’Union européenne et ses institutions tout en veillant à relancer les sujets trop souvent délaissés de l’Europe. Il faudra arrêter une politique commune de l’énergie afin d’éviter les coûts majorés et surtaxés que certains États portent sur leurs citoyens (c’est notamment le cas de la France), en se servant des atouts des pays européens en matière d’approvisionnement d’énergie, et ceci en favorisant la lutte contre les émissions de gaz à effets de serre et la pollution liée à l’exploitation des ressources combustibles (charbon en Allemagne). D’autres questions restent sous-jacentes. Aussi, il faudra se rendre moins dépendant de pays dont l’Union n’est pas en accord avec la politique nationale, notamment du gaz en provenance de Russie. Pour cela il faudra favoriser l’émergence de nouveaux marchés plus concurrentiels (gaz en provenance d’Iran).
Il y a aussi les grands oubliés de l’Union, la politique industrielle commune et le développement d’une Europe de la défense (au travers d’une force armée et d’une industrie de l’armement). Autant de sujets restés jusque lors en suspend et qui mérite d’être repensés.
Favoriser l’économie européenne et les partenariats multilatéraux
Le sujet épineux des transactions financières frauduleuses de la BNP Paribas aura mis à mal l’entente des dirigeants américains et européens. Sur cette affaire, il faudra mettre en oeuvre tout le savoir-faire diplomatique afin d’apaiser des tensions qui viendraient plomber un accord multilatéral ayant pour projet de favoriser les investissements étrangers en Europe, et les affaires européennes outre-Atlantique.
Le traité transatlantique, en pleine discussion, pourrait voir naître un rapprochement des systèmes juridiques et économiques des États-Unis, du Canada et de l’Europe et créer une zone de libre-échange entre les deux continents en vue de doper une économie européenne en berne depuis la crise financière de 2007.
Cette même crise, bourreau de l’union bancaire de la zone euro, et autre sujet déterminant à la réussite du mandant de Jean-Claude Juncker. Celui-ci aura en charge la consolidation d’une union budgétaire et fiscale, noyau central de l’Union européenne.
L’ouverture au continent africain
De renommée d’excellence, la diplomatie européenne est la force de cette Union. Appelée pour résoudre les crises internationales, elle est aussi une arme de négociation sur des sujets de politique économique. S’il faut s’ouvrir vers de nouveaux marchés internationaux, le continent africain continuera a être l’objet d’un développement prioritaire pour l’Europe. Un traité transméditerranéen se doit d’être envisagé.
Les négociations devront s’inscrire dans la continuité du développement stratégique, industriel et énergétique entrepris par l’Europe en Afrique, en favorisant l’afflux toujours plus important des capitaux européens et en intensifiant les échanges commerciaux privilégiés entre ces deux continents. Ces mêmes relations privilégiées qui doivent s’enrichir de coopérations universitaires, scientifiques et technologiques pour accroître la place de l’Afrique dans l’économie mondiale.
Enfin, ces discussions devront résoudre les problèmes humanitaires liés à la nouvelle démographie des pays d’Afrique. Il faudra, pour les deux continents, apprendre à gérer les afflux de populations dans les villes interafricaines et les migrations vers l’Europe, cause de tragédie humaine (porte d’entrée vers l’Europe, Lampedusa fait figure d’exemple à ne plus jamais voire se reproduire) afin de prendre le contre-pied des poussées xénophobes qui opèrent dans plusieurs pays européens.
Tant de défis pour un homme qui ne recueille pas le soutient de toutes les classes politiques dirigeantes de l’Union européenne, mais qui aura pour lui de connaître les rouages de l’administration et de la diplomatie européenne.