Somaliland : des critères de Montévidéo à la pratique internationale

Capture d’écran 2014-12-28 à 13.12.16

La Corne de l’Afrique est la région la plus militarisée et la plus conflictuelle du continent africain. Les conflits armés qui y sévissent sont fréquents et récurrents soit au sein d’un État, soit entre États. Cette région chaude de l’Afrique est pourtant en pleine mutation économique et politique. Une région de la Somalie, le Somaliland tente d’exister sur la scène internationale depuis 1991, année de son détachement de la Somalie. État de facto, cette petite République autoproclamée, exerce un contrôle effectif sur son territoire. Une effectivité assez surprenante et pour le moins atypique puisqu’elle contraste avec le chaos dans lequel se trouve le pays de la Somalie depuis maintenant plus de deux décennies. Malgré cette effectivité et l’absence d’un gouvernement central à Mogadiscio capable de s’opposer à cette sécession, aucun État ni aucune instance internationale n’ont reconnu pour l’heure la «République du Somaliland» et ses demandes d’admission au sein des organisations internationales sont restées pour l’heure infructueuses, à commencer par l’Union Africaine. Les élections à venir en 2015 agiront-elles comme un catalyseur en vue d’établir un modèle de paix et de stabilité, ou au contraire raviver des tensions internes ou encore celles déjà fortes entre le gouvernement central de Mogadiscio et son rival, le Puntland voisin ?

Arrière plan historique du Somaliland…

Le 1er Juillet 1960, l’ancienne Somalie italienne et Somaliland britannique ont volontairement adhéré et formé l’État indépendant de la Somalie en partant du postulat que les Somaliens forment un même peuple, parlent la même langue et ont une religion commune. Dès le départ, les dirigeants de ce nouvel État ont cherché à créer un État supra national, la Grande Somalie, qui intègre l’Ogaden éthiopien, Djibouti (sous administration française), et le district Nord du Kenya. L’élément politique qui a conduit les nouveaux dirigeants somaliens de reprendre l’idée d’une Grande Somalie avait pour finalité de jouer un rôle unificateur pour consolider les différentes familles de clan en une seule nation somalienne. Il avait également comme objectif de stopper les querelles internes enracinées entre les anciennes colonies italiennes et britanniques.

Après une brève expérience de démocratie parlementaire civile qui a été mal adaptée à la nature clanique de la politique somalienne, le Général Mohammed Siad Barre est arrivé au pouvoir par un coup d’État le 21 Octobre 1969, et poursuivi la politique de réunification de tous les territoires perdus de la Somalie. Il a consacré les ressources nationales à une militarisation de la Somalie et obtint une aide extérieure de l’Union Soviétique. Sa détermination pour concrétiser la vision d’une Grande Somalie a abouti à la guerre de 1977-1978 contre l’Éthiopie. Pour de nombreux analystes, cette guerre a constitué un tournant dans l’histoire politique de la Somalie. Elle a marqué la fin du nationalisme pan-somalien et le début de l’effondrement de l’État somalien. La défaite de la Somalie a provoqué une crise de confiance et a miné le moral des forces armées somaliennes, conduisant même un groupe d’officiers à monter un coup d’État en 1978. Pas moins de dix groupes d’opposition claniques, y compris le Somali National Movement (SNM), ont pris les armes contre le régime de Siad Barre. L’insurrection s’est accompagnée de représailles gouvernementales extrêmement rudes impliquant des tirs d’artillerie sans discernement et des bombardements aériens qui ont coûté la vie à de nombreux civils, et occasionné le déplacement de centaines de milliers de personnes de leurs maisons. C’est dans ce contexte que le Somali Salvation Democratic Front (SSDF) a été créé en 1979. Composé de transfuges de l’armée somalienne, il a été soutenu par les clans Darod. L’Éthiopie a, en outre, accordé un soutien très généreux financièrement au SSDF, en formation et en armement, même si les proportions de ce soutien éthiopien ne peuvent être estimés avec précision que sur la base des informations disponibles incomplètes et peu fiables. Les bombardements aériens qui ont affecté Hargeisa et Burao en 1988 en réponse à des attaques simultanées et intenses par le SNM ont été particulièrement meurtriers, faisant entre 20 000 et 50 000 victimes et ont provoqué une vague massive de 400 000 réfugiés vers l’Éthiopie. Ils avaient pour objectif d’unir les clans Isaaq derrière le SNM. En montant les clans somali les uns contre les autres, Barre contribua à la désintégration du pays. L’intensification du conflit a finalement conduit à la chute du régime de Siad Barre, le 26 Janvier 1991, ce qui permis au SNM de prendre le contrôle effectif de la partie nord-ouest de la Somalie. Depuis, la partie sud de la Somalie a vécu avec une absence totale de l’administration centrale et par conséquent de la loi et de l’ordre qui sont des conditions préalables d’existence d’un Etat. La peur et la haine qui prévalaient entre groupes claniques, ainsi que l’absence d’accord entre les différents mouvements de guérilla, conduisirent à de nouvelles violences et à l’effondrement total de l’Etat Somalien, lequel fut suivi par une intervention internationale au Sud et une réorganisation territoriale interne au Nord… le Somaliland.

L’État de facto du Somaliland : des critères de Montevideo

Après sa prise de contrôle de la Somalie, le SNM et les Issaq ont opté pour une cessation des hostilités et une réconciliation avec les autres clans – qui ont été largement associés au régime de Siad Barre – plutôt que de s’engager dans une vendetta et des règlements de compte aux conséquences désastreuses. La réconciliation était devenue la priorité lors d’une conférence de paix convoquée par le SNM qui eu lieu du 15 au 27 Février 1991 à Berbera. Elle visait à rétablir la confiance entre les clans Isaaq et non Isaaq qui ont combattu la guerre de chaque côté.

Cette conférence a jeté les bases de la Grande Conférence des clans du Nord, qui s’est tenue du 27 Avril au 18 Mai 1991 dans la ville de Burao. L’objectif de cette réunion était de consolider la paix dans le nord-ouest de la Somalie. Après de vastes consultations de près de deux mois, les chefs de clan et les dirigeants SNM décidèrent d’accélérer la consolidation de la paix et de rétablir la souveraineté du Somaliland en se retirant volontairement de l’union avec le reste de la Somalie. L’instabilité politique et les troubles sécuritaires qui affectèrent le sud de la Somalie ont été les principaux facteurs qui ont poussé le Somaliland vers l’autonomie et l’indépendance. Bien qu’hésitants[1], c’est dans ce contexte que le 18 mai 1991, le SNM a annoncé l’indépendance du Somaliland et la formation d’une administration intérimaire de transition afin de gérer l’entité nouvellement indépendante pour deux ans.

capture-d_c3a9cran-2014-12-27-c3a0-20-13-55

Les nouvelles autorités du Somaliland ont développé la région en suivant les critères de la convention de Montévidéo. En effet, la définition la plus largement acceptée d’un État de facto, est probablement celle de la Convention sur les droits et devoirs des États signée à Montevideo en 1933. Remplir ces critères ou même fonctionner de fait comme un État, n’entraîne cependant pas automatiquement une reconnaissance internationale ni ne garantit l’indépendance.

A l’évidence, aux regards des éléments observables, le Somaliland répond et satisfait aux critères de Montevideo. Les organisations internationales ont donné une importance élevée au principe d’intégrité territoriale pour une raison aussi simple que les ajustements des frontières où les statuts de régions sécessionnistes pourraient entraîner dans leur sillage une série de revendications qui mèneraient à leur tour à la compétition territoriale et à la violence. Le Somaliland jouit d’un contexte assez atypique et unique, dans la mesure où la nation à laquelle il appartient formellement est un État failli, en proie au terrorisme, aux luttes de clans, et sans gouvernement crédible depuis de longues années.

Selon toute vraisemblance, la reconnaissance par les organisations internationales d’un Etat de facto tend à varier non pas en fonction de la satisfaction des critères définis par la Convention de Montevideo par l’Etat en question (Somaliland), mais plutôt dans sa capacité à revendiquer légitimement un droit au statut d’État sans développer le risque d’un nouveau conflit dans son pays d’origine (Somalie). Il s’agit d’un débat qui ne peut se faire sans référence au passé colonial de l’Afrique ou aux comportements sur le continent envers l’auto-détermination, la sécession et l’inviolabilité des frontières coloniales.

… à la pratique internationale

Dans la pratique internationale, l’acte de reconnaissance est un critère supplémentaire et habituellement décisif, ce qui signifie que répondre aux critères de Montevideo ne suffit pas si les autres n’approuvent pas ou ne reconnaissent pas l’Etat de facto comme tel. Il y eu quelques exemples dont la Rhodésie aux mains d’une minorité de « blancs » n’a pas été reconnue par la communauté internationale pour sa position raciste. Le cas de Taïwan n’est toujours pas tranché, par crainte de vexer la Chine et de développer une tension dans la région déjà bien prégnante.

Dans le cas du Somaliland, la reconnaissance n’est pas qu’une formalité dans le système international contemporain répondant aux critères de Montevideo. Le refus des autres nations impose des contraintes réelles à sa capacité à fonctionner en tant qu’État, à la fois au niveau national et international. Le gouvernement du Somaliland n’a pas accès aux institutions financières internationales ou à l’aide directe bilatérale, ce qui altère considérablement son développement économique et social. L’exportation de bétail (sa principale activité économique), est entravée par le manque de contrôles réglementaires et sanitaires reconnus; les investisseurs étrangers comme les banques ou les compagnies d’assurances, sont réticents à investir dans un territoire qui, juridiquement, fait partie d’un État failli qui connaît une guerre quasi permanente, et qui plus est abrite un conflit lié au terrorisme international avec les milices Shebab. L’Union Africaine[2] a observé que le manque de reconnaissance « lie les mains des autorités et du peuple du Somaliland puisqu’ils ne peuvent pas effectuer de transactions de façon efficace et durable avec le reste du monde pour poursuivre leurs objectifs de reconstruction et de développement ».

La reconnaissance peut-elle être une condition nécessaire pour constituer un État? Si l’on prend l’exemple du Sahara occidental, sa reconnaissance ne l’a pas sorti de l’impasse dans lequel il se trouve. La reconnaissance est-elle plus efficace lorsqu’il s’agit d’un Etat de facto que s’il s’agit d’une région sécessionniste inexpérimentée et ne répondant pas aux critères de Montevideo ? Des contradictions qui n’ont pas échappé à bon nombre d’observateurs internationaux y compris les dirigeants du Somaliland.

Sortir de l’impasse, une opportunité de stabilité Régionale?

De toute évidence, le Somaliland peut être considéré comme un modèle pour les autres entités post-conflit, ainsi que pour les États Africains. En effet, la paix au Somaliland a été entièrement négociée à l’initiative et avec les ressources de ses habitants et de sa diaspora. Cette construction s’est opérée de l’intérieur contrairement à d’autres initiatives de paix menées en Afrique à partir de l’extérieur, notamment en Somalie. L’intégration des institutions traditionnelles dans la structure du gouvernement fait du Somaliland un cas unique et atypique. Pourtant, et ce malgré les apparences, les acquis du Somaliland demeurent fragiles. L’absence d’une reconnaissance internationale le prive des avantages qu’un État peut disposer en tant que membre de la communauté internationale. Les ressources locales disponibles aujourd’hui restent limitées (économie pastorale, des ressources pétrolières et minières à priori prometteuses), l’accès à des interactions économiques et commerciales internationales est bloqué. Néanmoins le Somaliland dispose d’un atout important et essentiel pour son redressement économique et social d’une part et pour son positionnement stratégique d’autre part. Il s’agit de la ville de Berbera composée d’infrastructures aéroportuaires et portuaires convoitées par le Groupe Bolloré, et qui permet de dégager un nouveau corridor pour désenclaver l’hinterland et donner à l’Ethiopie un accès maritime face à ceux perdus à l’indépendance de l’Érythrée.

Le Somaliland a t-il à gagner d’être reconnu comme État sur la scène internationale ?

La réponse à cette question par l’affirmative lui permettrait d’accéder à l’ensemble des institutions et ressources internationales, dans l’intérêt de son économie et de sa stabilité sociale, à la condition que l’Union Africaine en accepte le principe. Le G8 a exprimé sa volonté d’appuyer le gouvernement fédéral et le Somaliland. Nombreux sont ceux qui appuient dans le sens d’une reconnaissance. Les organisations et bailleurs internationaux (ONU, Union Européenne, Banque Mondiale, AfDB, Department For International Development, pays nordiques, etc.) déploient d’importants efforts sur le terrain pour le soutenir, conscients des enjeux en termes de sécurité régionale, de droits de la femme, de lutte contre le terrorisme et de blanchiment de ses financements (rappelons que le Somaliland vient de se doter fin 2014 d’une loi anti blanchiment). Le 17 janvier 2013, les Etats-Unis reconnaissaient le nouveau gouvernement. Le 26 février 2013, les Ambassadeurs de France, d’Allemagne, de Belgique, et de Finlande ont présenté leurs lettres de créances au Président Mohamoud Silanyo, et manifesté leur souhait de « reprendre des relations normales entre État souverains et amis ». Mais alors, qu’est-ce que la communauté internationale a à perdre en ne reconnaissant pas le Somaliland ? Tout d’abord pour le Somaliland lui même, un isolement aux marchés et financements internationaux, des problèmes sociaux importants avec une radicalisation islamiste de sa jeunesse qui aspire à émerger au sein du système international, et qui souhaite bénéficier des retombées économiques et financières afin d’améliorer son quotidien et son cadre de vie. La communauté internationale ensuite, et ce pour plusieurs raisons : Le Somaliland est un rempart contre la piraterie qui sévit dans le Golf d’Aden. Ces derniers sont basés principalement au Puntland voisin. Tandis que certaines aides internationales ont permis de renforcer les garde-côtes du Somaliland, une collaboration plus poussée, y compris l’utilisation du port de Berbera par d’autres marines, est impossible de par sa non-reconnaissance. La lutte contre le trafic des êtres humains serait inefficace: en effet, en raison de son emplacement stratégique, la Somalie constitue un point de départ naturel pour le trafic de personnes dans la péninsule arabique et au-delà. La non-reconnaissance apparaît comme un frein pour lutter contre ce phénomène. En raison de sa diaspora importante et sa très forte dépendance aux envois de fonds, le Somaliland est au centre des flux financiers qui peuvent facilement être exploités pour le blanchiment d’argent, la drogue, la piraterie et le terrorisme; malgré la coopération des autorités locales et les entreprises de transfert de fonds privés, ce phénomène pourrait être plus efficacement régulé si le Somaliland avait le statut d’Etat reconnu.

Le Somaliland n’est de facto pas membre d’Interpol, et les mécanismes standard pour tracer le mouvement des criminels et lutter contre la criminalité transnationale ne s’appliquent pas. Le Somaliland jouit d’un calme relatif au centre d’une des régions les plus menacées et instables dans le monde; alors qu’il n’existe pas d’information quand à des contacts informels avec les autorités, il est certain qu’une reconnaissance permettrait plus facilement de maintenir une collaboration de renseignement afin de surveiller et de contrôler les activités terroristes.

La non-reconnaissance empêche les autres États et organisations internationales de fournir l’assistance nécessaire à l’armée du Somaliland de manière officielle, y compris la formation et l’armement approprié. Si une aide a pu s’opérer à travers les tous nouveaux garde-côtes, elle l’a été dans le cadre d’une opération de «maintien de l’ordre» contre la piraterie maritime. Une reconnaissance permettrait par ailleurs d’exclure le Somaliland de sanctions internationales imposées à juste titre sur la Somalie dans son ensemble. Mais qui mettrait à mal un processus de paix fragile engagé entre les institutions internationales et la Somalie.

Par ailleurs, il s’agit d’une région ou les flux d’armes, en particulier d’armes légères sont importants et non réglementés. Une reconnaissance n’éradiquerait pas ce phénomène (qui existe également à Djibouti) mais pourrait être plus efficacement contrôlé dans un cadre d’un Etat normal.

Enfin, sur l’aspect environnemental, les pêches et la dégradation de l’environnement terrestre ont besoin de systèmes de gestion qui pourraient encore être mieux assurés par la collaboration entre un État reconnu et d’autres États ainsi qu’avec les institutions internationales. Des aides et des supports techniques pourraient y être consentis. Un bon moyen de lutter contre la piraterie.

Au regard du contexte dans lequel baigne la Somalie et l’insécurité régionale et mondiale, une non reconnaissance du Somaliland ne favorisera pas la stabilité dans la région. Force est de reconnaître, qu’elle ne saurait résoudre tous les problèmes, qui exigent des actions durables et systématiques de la part de l’ensemble des acteurs. À certains égards, en effet, la reconnaissance pourrait placer le Somaliland sous les feux des projecteurs, et peut-être attirer des représailles de la part de ceux dont les activités seraient affectées par des meilleures réglementations et de contrôles. Ainsi, peut-on considérer qu’une reconnaissance du Somaliland serait le moyen le plus efficace pour assurer la sécurité dans une région qui connaît des difficultés majeures. En outre, à un moment où les «espaces incontrôlés» ont émergé (source de préoccupation mondiale), tout particulièrement dans cette région du monde, il est surprenant de voir que la communauté internationale se prive de la possibilité d’étendre la portée de la gouvernance mondiale qui lui serait profitable, tout comme à la population du Somaliland. Pour l’Afrique enfin, la reconnaissance du Somaliland ne devrait pas menacer la «boîte de Pandore» (évoquée par certains responsables Africain) des revendications sécessionnistes dans d’autres États. Au lieu de cela, il offre la possibilité de changer positivement les incitations pour une meilleure gouvernance et une meilleure intégration régionale, également pour la Somalie. La reconnaissance ne permettra pas de résoudre tous les problèmes du Somaliland, ou de la région, loin de là. Les tensions à la fois avec les milices Shebab et le Puntland voisin peuvent s’exacerber, principalement à l’approche des élections présidentielles de 2015 au Somaliland. La question de la reconnaissance ne doit pas occulter les problèmes sociaux et économiques profondément enracinés au Somaliland, et qui auront besoin d’une attention toute particulière. Mais quels que soient les avantages et les coûts engendrés pour le Somaliland, les États de la région d’Afrique de l’Est et la communauté internationale, la reconnaissance devrait illustrer que les frontières africaines, loin de représenter des sources d’insécurités et de conflits, peuvent être une source de stabilité et de renforcement des capacités de l’État. Il est envisageable que la reconnaissance du Somaliland pourrait certainement agir comme un catalyseur susceptible de changer la règle du jeu en Afrique.

Pour cela, le gouvernement du Somaliland devrait équilibrer, intensifier ses efforts et ses relations diplomatiques avec les États voisins. Il lui faudrait en contrepartie offrir des gages de sécurité dans la région et montrer sa capacité à s’intégrer dans le jeu des relations internationales en développant son potentiel (positionnement stratégique, infrastructures, éducation, investissements, fiscalité, comme évoqué dans les chapitres précédents) afin de nouer des partenariats avec des acteurs privés source de croissance économique, et donc de stabilité dans la région. En effet, nombreux sont les acteurs internationaux disposés à investir dans différentes filières locales ou développer des activités de premières nécessités pour la population.

Quel scénario pour sortir de l’impasse?

Malgré le fait que le Somaliland ne soit reconnu sur la scène internationale comme État, il a atteint un niveau suffisant de paix, de stabilité et de gouvernance pour être considéré comme État en vertu du droit international. Selon l’interprétation, il répond à la question de l’autodétermination et il a des raisons (à priori légitimes) d’exiger son indépendance. Pourtant, si l’on oppose le droit à l’autodétermination du peuple contre les principes de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, la préférence est donnée à la souveraineté et l’intégrité territoriale. Le fait que le Somaliland existe au sein d’un Etat (Somalie), un vide juridique tend à démontrer que l’affirmation du Somaliland est conforme. La notion d’autodétermination manque dès lors de clarté. En effet, le Somaliland correspond plus ou moins aux critères de l’auto-détermination. Cette incertitude provoque un autre problème relatif à la reconnaissance internationale du Somaliland que sont les critères d’indépendance. Il répond à la reconnaissance internationale selon la Convention de Montevideo qui est un élément supplémentaire dans la définition de statut d’État et celui-ci n’aura lieu que lorsque l’incertitude juridique sera résolue.

Compte tenu du fait que le Somaliland est indépendant de facto depuis la chute du régime de Siad Barre, le débat juridique est politiquement dépassé du point de vue de la pertinence, puisque la communauté internationale est déjà aux prises avec un «Etat». En outre, tous les critères de qualité d’État sont remplis par le Somaliland. Néanmoins, aucun État n’est prêt à faire le premier pas vers la reconnaissance du Somaliland. Cette résistance laisse place à la critique, du fait que la Somalie est un État défaillant et souverain. Pourtant, l’entité sécessionniste, contrairement à la Somalie et d’autres pays instables de la région, a été en mesure d’établir une démocratie multipartite et d’organiser des élections libres et à priori justes, même si ces normes démocratiques ne peuvent être comparés à d’autres démocraties occidentales. Le seront-elles lors des élections présidentielles en 2015 ? Déjà, l’opposition s’organise…

Comment sortir de l’impasse actuelle en satisfaisant l’ensemble des acteurs régionaux et internationaux, à commencer par les Somaliens eux-mêmes dans leur ensemble sans évoquer une nouvelle guerre de clans où se mêleraient islamistes radicaux, terroristes, chefs de guerres et autres consorts? Pourquoi ne pas imaginer un scénario qui consisterait en une Fédération de la Somalie, constituée d’Etats reconnus sur la scène internationale et dont le modèle de gouvernance serait assuré par un conseil des sages claniques qui contrôlerait une présidence tournante ?

Sébastien Brouiller

—— Notes de bas de pages ——

[1] Les dirigeants du SNM ont hésité sur la sécession du Somaliland pour deux raisons :

  1. Ils avaient peur des complications imprévues et du fait que la communauté internationale n’accorderait pas de crédit dans la sécession du Somaliland.
  2. D’autre part, de nombreux dirigeants du SNM étaient en faveur d’une relation fédérale avec le reste de la Somalie.

[2] “Resume: AU Fact-Finding Mission to Somaliland”, op. cit., paragraphe 9

2 comments

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.